Policier classique – Le miroir se brisa, d’Agatha Christie

Qu’avait vu Marina Gregg, l’actrice célèbre que des problèmes de santé ont tenue si longtemps éloignée des plateaux et qui se prépare à un grand retour à l’écran ? Qu’avait-elle vu un instant avant la mort de Mrs Babcock ? C’était en plein gala, alors que la fête battait son plein… Soudain, Marina avait regardé fixement le mur, près de l’escalier, à l’endroit orné d’un ravissant tableau, une Madone à l’Enfant, et son visage s’était soudain crispé de terreur. Cela avait duré quelques secondes, puis Marina s’était ressaisie pour retourner, souriante, à ses invités. Mrs Babcock avait pris un cocktail, et tout s’est enchaîné très vite. D’abord, tout le monde a cru à un étourdissement, à un malaise cardiaque… Mais, quelques minutes plus tard, Heather Babcock, une femme dans la fleur de l’âge, était bel et bien morte, empoisonnée. Mais pourquoi ? Qui pouvait en vouloir à cette brave femme certes un peu bavarde et indiscrète, mais toujours prête à rendre service ? La question demeure : qu’avait donc vu Marina Gregg ?

Ah, Miss Marple et la nature humaine ! Entre elles, c’est une longue histoire d’amour, familière à tous les inconditionnels d’Agatha Christie et de son personnage féminin emblématique – la petite vieille dame, demoiselle de son état, à l’aspect tellement inoffensif, mais à l’intelligence acérée. Un univers délicieusement désuet, même dans cet opus qui commence par le triste état des lieux d’un monde qui change, dans cette campagne perdue qu’est St. Mary Mead. Aidée de son amie Mrs Bantry, Miss Marple y mène l’enquête parallèlement aux devoirs officiels, dont est chargé l’inspecteur Dermot Craddock de Scotland Yard.

A l’origine de ce roman classique et indémodable, il y a l’histoire vraie et douloureuse d’une actrice américaine, Gene Tierney, qui avait mis au monde en 1943 une petite Daria, prématurée, sourde, aveugle et mentalement attardée, à cause de la rubéole qu’elle avait contractée au cours de sa grossesse. Une tragédie autour de laquelle la reine du Crime avait brodé une intrigue, sombre comme les vers d’Alfred Tennyson qui ont inspiré le titre du roman. Une intrigue aux ramifications multiples, avec tout ce qu’il faut de personnages et de mobiles pour semer le doute et faire naître les fausses pistes. Une intrigue diaboliquement bien ficelée, mais qui a quand même hérissé quelques lecteurs, outrés de voir Agatha Christie se servir sans vergogne d’un fait réel dans ce roman publié en 1962 en Grande-Bretagne et en 1963 en France et aux Etats-Unis.

La description de Marina Gregg est-elle imaginaire ou inspirée de la vision qu’Agatha Christie avait de son modèle, la belle Gene Tierney ?

« Elle était grande, longue et sinueuse. L’architecture de son visage était d’une beauté qui n’allait pas sans rappeler celle de Garbo. Ce qu’elle avait apporté à ses films ? Sa personnalité, plus que son sex-appeal proprement dit. Sa façon de tourner la tête, d’ouvrir ses yeux immenses au regard sans fond, l’imperceptible frémissement de ses lèvres faisaient soudain naître dans l’esprit du spectateur cette sensation de beauté idéale qui ne vient pas de la régularité des traits, mais qui vous laisse sans voix.  Tout cela, elle le possédait encore, bien qu’à un moindre degré. Comme nombre de comédiennes de la scène et de l’écran, elle maîtrisait cet art qui semble toucher parfois à la manie et qui leur permet de changer de personnalité à volonté. Elle pouvait sans transition rentrer en elle-même, se montrer calme, adorable, lointaine, odieuse au plus éperdu de ses adorateurs. Et puis une inclinaison de la tête, un geste de la main, l’ébauche d’un sourire et la magie renaissait de ses cendres ».

L’été propice à la relecture des classiques l’est aussi au visionnage des classiques du grand et du petit écran… Le roman fut plusieurs fois porté à l’écran, pour le plus grand plaisir des fans : en 1980, avec Angela Lansbury dans le rôle de Miss Marple, et un casting à tomber assis par terre : Liz Taylor, Géraldine Chaplin, Rock Hudson, Kim Novak, Toy Curtis et Charles Gray ; en 1992, pour la série Miss Marple de BBC One, avec Joan HIckson ; en 2011, pour la série Miss Marple d’ITV, avec Julia McKenzie ; et enfin en 2017, pour la série Les Petits meurtres d’Agatha Christie, où le personnage de Miss Marple est remplacé par le trio formé par le commissaire Swan Laurence (Samuel Labarthe), la journaliste Alice Avril (Blandine Bellavoir) et la secrétaire Marlène Leroy (Elodie Frenck).

Et pour l’illustration, un petit voyage dans le temps… La couverture de cette ancienne édition du Club des Masques, charmante et surannée…

Un commentaire sur “Policier classique – Le miroir se brisa, d’Agatha Christie

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  1. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

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