Jules Mazarin (1602-1661) ne fut pas seulement l’inquiétant arriviste à l’accent italien qui profita de la Régence d’Anne d’Autriche durant l’enfance de Louis XIV que nous a légué une certaine légende, ni non plus la cible des mazarinades durant la Fronde. Il fut aussi un très grand premier ministre, parachevant l’œuvre de Richelieu, qui avait été son protecteur et le désigna comme son successeur. On lui doit d’avoir achevé la guerre avec l’Espagne et avec l’Empire, la réunion au royaume de l’Alsace, de l’Artois, du Roussillon, de la Cerdagne et du sud du Luxembourg. Il sut aussi s’entourer de ministres remarquables Fouquet, Le Tellier, Colbert qui formeront l’armature de la haute administration de Louis XIV. Bref, il prépara le règne exceptionnel de ce dernier.
L’aube du grand siècle ! De quoi donner l’eau à la bouche ! En plus, c’est une biographie Fayard – ce filon inépuisable d’excellentes biographies historiques pour tous les amateurs.
Il n’y eut pas ainsi un seul «grand cardinal» mais bien deux comme le montre cette biographie menée de main de maître, comme l’explique l’auteur lui-même :
« En dehors de souvenirs d’enfance liés à d’Artagnan et quelques autres, le personnage m’a toujours fasciné, pour deux raisons. D’abord, l’extraordinaire habileté avec laquelle il s’était hissé au pouvoir et s’y était maintenu, malgré une conjonction ahurissante, mais désordonnée, d’inimitiés, de jalousies, de complots, de calomnies, de brutalités, d’échecs apparents ou momentanés : spectacle saisissant d’une intelligence, surtout politique, qui surclassait tout ce qu’on pouvait observer à son époque, et à beaucoup d’autres. Le second titre de séduction découlait sans doute du précédent, mais allait plus loin encore. On constate tout naturellement qu’à la mort de Richelieu (décembre 1642) puis à celle de Louis XIII (mai 1643) ni la guerre contre l’Espagne ni la guerre contre l’Empire n’étaient achevées. La double victoire fut l’œuvre de Mazarin et de son équipe, et c’est grâce à lui qu’en 1648, puis en 1659 l’Alsace, l’Artois, le Roussillon, la Cerdagne, le sud du Luxembourg et quelques autres lieux furent réunis au royaume. Il faut fermement observer, et publier que, sans l’Italien, il n’y aurait pas eu d’œuvre de Richelieu – les affaires protestantes exceptées. Et soutenir aussi fermement qu’il n’exista pas un « grand cardinal », mais bien deux : sans le second, le premier eût-il laissé un tel souvenir ? D’autre part, faut-il rappeler que ce ne furent pas les assez pâles précepteurs de Louis XIV qui le formèrent, mais, outre sa vigilante mère, son parrain (père spirituel) le Cardinal qui lui apprit, dans le secret de son propre cabinet, avec les intrigues de Cour, l’Europe des princes et des diplomates, des intrigues à démêler, des consciences à acheter et que tout homme, fût-il roi, est vénal ? Plus évident encore, le legs à son royal filleul de la totalité de son personnel gouvernemental »
Pierre Goubert est un historien de la société française d’Ancien Régime : il est aussi l’auteur d’autres ouvrages, Louis XIV et vingt millions de Français, La Vie quotidienne des campagnes françaises au 17e siècle, et Initiation à l’histoire de la France. Tous livres que l’on peut lire comme cette excellente biographie Fayard : d’une seule traite !
J’ai lu d’innombrables biographies Fayard : Henri IV, Louis XIII, Louis XV, Louis XVI, Le Régent… Mais je ne pense pas avoir lu celui-ci.
C’étaient de passionnantes biographies !
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