Cette cité légendaire est née le 25 mars 421 dans les îlots du rivus altus – le Rialto – de la peur qu’ont inspirée aux populations romaines les Goths d’Alaric et les Huns d’Attila déferlant par nuées sur la péninsule italique. Ce sont ensuite les Lombards qui décidèrent les habitants terrifiés à demeurer reclus au milieu de cette zone marécageuse et difficile d’accès qu’on appelle une lagune, un paysage de roseaux et de vase que Cassiodore décrit en 537-538.
A la fin du 7e siècle, les Vénitiens se dotent d’un pouvoir local indépendant : le duc, ou doge, Paolucio Anafesto (697-717) incarne cette nouvelle entité politique coincée entre le royaume lombard et l’Empire byzantin. L’émancipation de Venise trouverait son origine dans l’équipée qui permit à la cité de mettre la main sur les reliques de saint Marc en 828. En réalité, Venise n’acquiert son identité de cité-Etat qu’après le retrait des Byzantins de l’Adriatique, aux alentours de l’an 1000 : son organisation, fixée dès le 13e siècle, perdure jusqu’en 1797, date à laquelle Venise est rattachée aux possessions Habsbourg par le traité de Campo-Formio. Mais à cette date, la splendeur de la Sérénissime comme empire maritime et commercial n’est plus qu’un glorieux souvenir, englouti par la progression ottomane en Méditerranée et le détournement des routes commerciales européennes vers l’Ouest avec la découverte de l’Amérique.
Il n’empêche qu’avec ses 177 canaux, ses 455 ponts, ses 123 églises et ses 118 îles, il reste encore quelques sites somptueux à admirer à Venise, patrie du Titien, de Vivaldi et de Casanova… Il y a certes les incontournables : les basiliques Saint-Marc, Santa Maria della Salute, San Zanipolo et San Giogio Maggiore ; les palais Ca’d’Oro, Ca’Rezzonico et le palais des Doges ; la Fenice ; les Giardini Reali ; le pont des Soupirs ; l’ancien Ghetto…
Mais il y a aussi des lieux énigmatiques, moins connus, comme l’île San Michele, toute entière dévolue à l’usage funéraire depuis que Napoléon l’a ordonné en 1807 et confié la conception de cet espace particulier à Gian Antonio Selva, auteur de la Fenice. L’objectif poursuivi était d’empêcher désormais Venise de piétiner ses morts, comme cela se faisait depuis l’origine de la cité : jusque là, les corps étaient enterrés dans les parvis, les intérieurs d’église ou transférés vers des ossuaires comme celui de Sant-Ariano, quand ils n’étaient pas simplement immergés dans la lagune… Une vraie question de sécurité sanitaire, donc, dans une ville où foisonnent les signes occultes et où l’on dit que chaque maison possède son fantôme. Parmi les plus célèbres palais hantés de Venise, le Ca’Dario, le « palais qui tue » édifié à la fin du 15e siècle et aujourd’hui fermé au public (sauf pour quelques rares occasions), ou le Palazzo Contarini Polignac, avec son fameux fantôme bleu.
Quelques livres pour aller plus loin :
Thomas Jonglez et Paola Zoffoli, Venise insolite et secrète
Alain Vircondelet et Marco Secchi, Le grand guide de Venise – Sur les pas de Canaletto et des maîtres vénitions
Pierre Daru, Histoire de la République de Venise
Quelques romans :
Valérie Bettencourt, Sombre lagune
Iain Pears, Le comité Tiziano
Eric Giacometti et Jacques Ravenne, La nuit du mal
Steve Berry, La conspiration du Temple
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