Illuminati !

Les Illuminés, ou Illuminati, de Bavière ont décidément fait couler beaucoup d’encre…

Cette société secrète allemande fondée le 1^er mai 1776 par Adam Weishaupt se réclamait des Lumières – en allemand Aufklärung. Son créateur, un professeur de droit canonique à l’université d’Ingolstadt en Bavière, visait au perfectionnement et au progrès de l’humanité dans la liberté, l’égalité et la fraternité : l’élite ainsi formée pourrait devancer les forces conservatrices en œuvre dans l’Allemagne d’alors, comme les catholiques et surtout les Jésuites.

On a souvent rapproché ce mouvement de la franc-maçonnerie, mais à tort, malgré une évidente parenté de structure, voulue par Weishaupt lui-même afin d’élargir le nombre de ses adhérents. Quelques loges ont même été carrément infiltrées dans ce but. C’est surtout à partir de 1780 que la ressemblance entre Illuminés et franc-maçons s’accentue après que le baron Adolf von Knigge ait rejoint le groupe. Lui-même franc-maçon depuis 1773, il réorganise l’ordre des Illuminés en trois classes – la Pépinière, la Franc-maçonnerie et les Mystères – et lui imprime un caractère plus ascétique et plus philosophique, notamment en épousant certaines théories de Jean-Jacques Rousseau à propos du retour de l’homme à la nature. Malgré le succès de la nouvelle formule, le conflit couve entre Weishaupt et Knigge : ce dernier se retire en 1784 en accusant le fondateur de fanatisme religieux. Mais les autorités, et plus spécialement l’électeur Charles Théodore de Bavière, voient d’un mauvais œil cette prolifération de sociétés secrètes qui sont interdites le 22 juin 1784. En février de l’année suivante, Weishaupt est destitué de sa charge universitaire et banni de Bavière. Réfugié en Saxe, il y poursuit ses activités jusqu’en 1789, tandis que les affiliés sont pourchassés comme des criminels.

D’où vient donc que cette société secrète, qui n’a finalement opéré que durant une décennie, a pu se forger une aussi terrible réputation de secte conspirationniste ? C’est un phénomène d’assimilation progressive qui est à l’origine de ce mythe : d’abord, les écrits des opposants – dont Révélations sur le système politique cosmopolite, d’Ernst August von Göchhausen (1786) et Essai sur la secte des Illuminés, de Jean Pierre Louis de Luchet de la Roche du Maine (1789) – qui ont dépeint les illuminés comme des fanatiques ; ensuite, en 1798, la publication de l’abbé Augustin Barruel, Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme, qui mêlaient dans un seul complot les Templiers, les Rosicruciens, les Jacobins et les Illuminati ; et enfin, la même année, la publication par John Robinson des Preuves d’une conspiration contre l’ensemble des religions et des gouvernements.

La théorie du complot trouve encore aujourd’hui son public : la société secrète pourtant interdite aurait perduré dans la clandestinité afin de poursuivre son plan de domination du monde. Leur conspiration aurait ceci d’exceptionnel qu’elle synthétiserait finalement toutes les caractéristiques du complot interplanétaire. Les théoriciens en veulent pour preuve les symboles repris dans le Grand Sceau des Etats-Unis, visible notamment sur le billet de 1 dollar : pour eux, sans nul doute, les Pères fondateurs des Etats-Unis auraient été infiltrés eux aussi par les Illuminati.

Des philosophes soulignent la résurgence de cette théorie du complot au 20^e siècle, à l’appui de la montée du fascisme et du communisme ou, plus tard, de visées millénaristes, à l’approche de l’an 2000.

Alors, réalité ou mythe contemporain ?

Quelques livres pour aller plus loin :

L’Ecole secrète de sagesse : rituels et doctrines authentiques des Illuminés – dont sources – sous la direction de Reinhard Markner et Josef Wäges

Philippe Liénard, Illuminati. Au-delà de la théorie complotiste, la réalité

Geneviève Béduneau, Arnaud de l’Estoile, Bernard Fontaine et Richard D. Nolane, Les Illuminati. L’histoire secrète du monde et le Nouvel Ordre Mondial