Polar classique – La Maison de soie, d’Anthony Horowitz

la_maison_de_soieL’art du pastiche … Du grand art !

Un an après la mort de Sherlock Holmes, le docteur Watson entreprend de consigner l’une des enquêtes les plus sombres qu’il ait menées avec le célèbre détective. Pourquoi ce délai ? Il sera, en réalité, encore plus long :

« C’était impossible plus tôt : les événements que je vais décrire étaient trop monstrueux, trop choquants pour être imprimés. Ils le sont toujours aujourd’hui. Je n’exagère rien en affirmant qu’ils pourraient mettre à mal le tissu tout entier de notre société, ce qui particulièrement en temps de guerre, est une chose que je ne peux risquer. Une fois ma tâche accomplie, à supposer que j’aie la force de la mener à bien, j’empaquetterai le manuscrit et je l’enverrai dans les coffres de Cox and Co., à Charing Cross, où certains autres de mes papiers personnels sont conservés. Je donnerai comme instruction que, de cent ans, le paquet ne devra pas être ouvert. Il est impossible d’imaginer à quoi le monde ressemblera alors, mais peut-être mes futurs lecteurs seront-ils mieux immunisés contre le scandale et la corruption que mes contemporains. Je leur transmets ici un dernier portrait de Mr Sherlock Holmes ».

Si vous lisez ceci en quatrième de couverture et que vous êtes capable de résister à la tentation de vous jeter sur ce livre, c’est que vous êtes certainement un(e) mutant(e) !

Londres, novembre 1890. Edmund Castairs, marchand d’art, fait appel à Sherlock Holmes parce qu’il craint pour sa vie, mais les premières démarches n’avancent pas à grand-chose, en l’absence d’éléments probants. Le lendemain, Castairs est victime non pas d’un meurtre, mais d’un vol. Holmes l’avait prévu, mais ce qu’il ne pouvait pas imaginer, en revanche, c’est qu’en confiant à Ross – l’un des Irréguliers de Baker Street, ces gamins des rues que le détective missionnait aux quatre coins de Londres selon les besoins – la charge de monter la garde, il l’envoyait à la mort. Après ce crime horrible, c’est ce que Londres a de plus sordide qui se révèle aux deux enquêteurs. La partie reprend, mais Holmes et Watson vont y laisser une part d’eux-mêmes.

L’auteur nous livre ici un morceau de choix, un ouvrage de qualité qui respecte le canon holmésien au point de pouvoir prétendre à s’y fondre. L’intrigue est remarquablement équilibrée et complexe, tout à fait à la mesure de ce qu’on peut attendre d’une des enquêtes de Sherlock Holmes. La pression monte peu à peu : tout commence comme une enquête classique avant de basculer irrémédiablement vers l’extraordinaire. Le complot affreux qui se révèle alors au fil des pages justifie les moyens mis en œuvre par les uns et les autres, effroyables et radicaux. C’est efficace et bien dosé : rien à faire, on sent la patte d’un homme de cinéma, plus habitué à donner à voir qu’à décrire. Ce qu’il faut comme il faut !

Holmes, fidèle à lui-même et à sa nature atypique, est tout à la fois déconcertant et accessible : résistant à toutes les épreuves qui vont jalonner cette affaire hors du commun, épouvanté et douloureux face aux conséquences de ses décisions, vulnérable et humain jusqu’au bout des ongles – ce qu’on l’a rarement vu être à ce point. Quant au docteur Watson, on le découvre d’abord vieilli et affaibli par le poids des ans, deux fois veuf et pourvu d’une descendance qu’il évoque avec tendresse. Mais il demeure bien tel que Conan Doyle l’avait imaginé : honnête et scrupuleux, il expose longuement le contexte de l’affaire, à la manière de ces récits policiers qui prétendaient placer le lecteur et l’enquêteur sur un pied d’égalité.

Les personnages dits secondaires ne sont pas en reste. Issus eux aussi de l’univers holmésien, ils sont tous très convaincants : l’inspecteur Lestrade, témoin de la grande époque de Sherlock Holmes ; Mycroft Holmes, l’agent occulte des cercles proches du pouvoir, que les investigations menées par son célèbre frère mettent en porte-à-faux avec ses nombreuses relations ; le docteur Trevelyan, qui a poursuivi sa carrière après le décès de son « malade à domicile » ; et enfin le professeur Moriarty dans le rôle inattendu de l’homme d’honneur.

Le style, dépoussiéré et fluide, répond cependant aux exigences du genre. On est immédiatement happé par le mystère ! Que dire d’autre ? C’est un hommage parfait à Conan Doyle et à son œuvre, et aussi un excellent choix pour un premier contact avec l’univers de Sherlock Holmes. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu toutes les précédentes aventures, les classiques, les mémoires, les archives… Mais il n’est pas interdit de les lire ensuite (ou de les relire).

La Maison de soie est un livre qu’on dévore, même s’il est beaucoup plus dense et bien moins simple qu’il ne paraît.

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