Peut-on mourir assassiné de trois manières différentes – étranglé, égorgé et noyé ? Suite à la découverte par un groupe d’ouvriers d’un cadavre datant de l’Âge de fer conservé dans une tourbière, le docteur Nora Gavin, pathologiste américaine exilée volontaire en Irlande depuis le meurtre de sa sœur Triona, est appelée sur le site de fouilles archéologiques qui s’est ouvert au cœur d’une zone d’exploitation industrielle de la tourbe, dans l’austère région des Midlands, à l’ouest de Dublin. A combien d’années remonte la mise à mort de cet individu ? A-t-il été victime d’un rituel, d’une sorte de sacrifice humain ? La découverte d’un second cadavre qui porte au poignet une montre des plus modernes donne un autre visage à l’énigme. Nora et l’archéologue Cormac Maguire vont se retrouver pour tenter de percer le mystère qui entoure ces cadavres, tout en replongeant dans leur histoire d’amour tourmentée.
Après Le chant des corbeaux, Erin Hart signe une suite magistrale des enquêtes de Nora et Cormac, les amoureux torturés, elle par le souvenir des moments affreux qui ont suivi le meurtre de sa sœur et par le sentiment d’avoir laissé la bride sur le cou au coupable (l’affreux beau-frère !), lui par son enfance bousculée par le départ d’un père globe-trotter et bougeotte qui décide justement de revenir en Irlande pour passer ses vieux jours. La plume est toujours aussi vive et efficace dans la description des passions qui agitent l’Irlande au ciel si bas et lourd. Et l’auteur, en plus de son talent à nous plonger au cœur de ce pays peuplé de légendes, annonce très intelligemment le n°3 de la série, La légende de la sirène, en évoquant le malaise toujours plus grand de Nora qui sent qu’elle ne pourra pas goûter de vrai bonheur auprès de Cormac tant qu’elle n’aura pas fait rendre justice à Triona.
Et puis cette ambiance de tourbière mystérieuse… Lieu de sacrifices humains dans des temps immémoriaux… Après une ouverture digne des plus grands thrillers – la description minute par minute de la mort de l’individu de l’Âge de fer – Erin Hart prend une plume militante en faveur de la préservation des trésors des tourbières, des vestiges vulnérables non seulement à cause du milieu qui les conserve et que certaines entreprises exploitent au mépris de toutes les précautions, mais aussi en raison de la cupidité des découvreurs : « Dans cette tourbière, directement sous nos pieds, pourraient être enfouis des objets datant de dix mille ans. Grâce au sol gorgé d’eau, la tourbière a préservé quantité d’objets, aussi bien du bois, du métal que des textiles, et même des cadavres humains ! Une fois déterrés, ces vestiges commencent immédiatement à se détériorer et, faute de mesures appropriées, seront perdus à jamais. Aidez-nous à retracer notre Histoire en préservant ces trésors enfouis ». La mise en garde, qui orne les murs de l’entreprise qui vient de déchiqueter le cadavre de l’individu de l’Âge de fer à coup de tractopelle, permet de mesurer toute la distance qu’il y a entre les idéaux, si élevés soient-ils, et la triste réalité.
Dans ce mystère qui ne fait que s’épaissir de page en page, avec un troisième meurtre commis lui aussi selon des rites anciens – cette triple mort constatée sur les deux hommes de la tourbière – les suspects ne manquent pas : Owen, le contremaître perturbé par l’échec de son mariage et la découverte de ses penchants sadiques ; Rachel, la jeune archéologue qui passait ses journées et ses nuits à guetter la troisième victime ; Charlie, un des ouvriers de l’entreprise, un jeune homme enfermé dans une vie austère et rude ; Brona, aphasique et visiblement dérangée depuis qu’elle a assisté au suicide de sa sœur. Menant cette enquête qui le plonge dans un passé encore douloureux, l’inspecteur Liam Ward tente de démêler cet écheveau diabolique… Qui veut à ce point faire accuser Cormac Maguire du troisième crime ? Et quel est le rapport avec l’homme à la montre, celui que la tourbière a rendu, vingt-six ans après sa mort ?
Des personnages bien typés, des mobiles forts, des descriptions si incroyables qu’on sent presque le vent de la lande nous souffler au visage… Pour ceux qui aiment les énigmes policières en mode cold case (et même very cold case), la poésie qui se dégage d’un pays magnifique, la magie des légendes anciennes et les secrets d’Histoire.
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.
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