Jonathan Argyll, jeune marchand d’art anglais, doit se rendre aux Etats-Unis pour vendre un Titien à un musée privé appartenant au milliardaire Arthur M. Moresby. A peine arrivé à Los Angeles, il manque d’être renversé par une voiture, tandis que Moresby est assassiné et que disparaît la plus récente acquisition du musée, un buste de Pie V dû à Bernini. Alertée par son ami Jonathan, Flavia di Stefano enquête à Rome, puis décide de poursuivre ses investigations avec lui en Californie.
Ce qui est agréable dans cette série, outre l’humour anglais dont l’auteur use et abuse (à ma plus grande joie), c’est qu’on a vraiment l’impression de retrouver de vieux amis – les personnages si attachants que sont l’historien de l’art qui n’en finit plus de mettre les pieds là où il ne devrait pas, l’enquêtrice survoltée qui passe ses nerfs (et son chagrin d’amour) sur tout ce qui lui tombe entre les pattes, et l’onctueux général Bottando, politique rusé et entremetteur à ses heures… On suit l’intrigue policière en lorgnant les deux tourtereaux, qui sont les seuls à ne pas remarquer qu’ils sont si bien assortis. On fait la connaissance de nouveaux personnages, tout aussi sympathiques, à leur manière : l’expert esthète Hector de Suza, qui s’apprête à fourguer sans vergogne plusieurs faux à la pompe à fric américaine (où est le mal, puisque Moresby cherche à acheter ?) ; Jack Moresby, le fils indigne qui se venge comme il le peut de s’appeler Mélissat comme son père (c’est ça, le M.) ; le chef de la sécurité Robert Streeter, qui correspond tout à fait au gardien de nuit que chante Cabrel (gardant un revolver jusque dans sa baignoire, un œil ouvert quand il est dans son lit, plus une veste militaire sous son pyjama gris) ; et l’inspecteur Joe Morelli, accablé d’une rage de dents qui tombe au plus mauvais moment possible.
Le Cavalier Bernin, quel beau sujet ! Le baroque romain dans toute sa splendeur ! Même si je n’ai gardé que quelques souvenirs confus du seul cours d’histoire de l’art qui figurait dans mon cursus universitaire (en réalité, surtout le contraste saisissant entre les chatoyantes diapos de la prof et les vilaines photocopies en noir et blanc sur lesquelles nous nous rabattions, faute de mieux, pour rafraîchir nos mémoires jusqu’en juin), j’avoue éprouver un incroyable plaisir à élargir mes connaissances dans cette matière passionnante par le biais divertissant d’un bon roman policier.
L’auteur tisse une trame diabolique à travers les dédales d’un musée déjà gigantesque et qu’on voudrait agrandir encore, quitte à acheter un peu n’importe quoi et à se rabattre sur des œuvres de seconde zone (voire des faux) pour « meubler »… Mais là, le service des acquisitions a mis la main sur une pièce maîtresse, introuvable, littéralement vaticane et aussi visiblement bien volée, au nez et à la barbe du service de sécurité. Que la caisse ait pesé une tonne ne change rien à l’affaire : le voleur l’a laissée sur place pour emporter un énorme buste en marbre dans ses bras, tout simplement. Et personne n’a rien vu… Un vrai casse-tête ! Et puis ce milliardaire américain, Arthur M. Moresby II, qu’on déteste instantanément à l’énoncé de son nom. Sa femme aussi le déteste… Son fils aussi… Ses employés aussi… D’accord, ça n’étonnera plus personne qu’un type aussi charmeur finisse assassiné.
L’intrigue, rondement menée et avec une limpidité qui en remontrerait à certains auteurs de polars aux conclusions brouillonnes (ou volontairement nébuleuses, qui sait?), aurait amplement pu suffire à m’enchanter, mais c’est en définitive la description du milieu de l’art, de ses faussaires, de ses experts, du mode de fonctionnement des musées et d’acquisition des œuvres qui retient mon attention… A égalité avec les gaffes de Jonathan, l’(in)épuisable patience de Flavia et la sagesse du général Bottando.
Et pour conclure : mention spéciale pour le final à la Hercule Poirot !
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