La jeune Erica Falck a déjà une longue expérience du crime. Quant à Patrik Hedström, l’inspecteur qu’elle vient d’épouser, il a échappé de peu à la mort, et tous deux savent que le mal peut surgir n’importe où, qu’il se tapit peut-être en chacun de nous, et que la duplicité humaine, loin de représenter l’exception, constitue sans doute la règle. Tandis qu’elle entreprend des recherches sur cette mère qu’elle regrette de ne pas avoir mieux connue et dont elle n’a jamais vraiment compris la froideur – une froideur déjà évoquée dans La Princesse des glaces – Erica découvre, en fouillant son grenier, les carnets d’un journal intime et, enveloppée dans une petite brassière maculée de sang, une ancienne médaille ornée d’une croix gammée. Pourquoi sa mère, qui avait laissé filtrer si peu de choses d’elle-même, avait-elle conservé un tel objet ? Voulant en savoir plus, Erica entre en contact avec un vieux professeur d’histoire à la retraite. L’homme a un comportement bizarre et se montre élusif. Deux jours plus tard, il est sauvagement assassiné.
Dans ce 5e volet des aventures d’Erica – une série qu’il vaut définitivement mieux suivre dans l’ordre chronologique pour ne pas se perdre en cours de route – Camilla Läckberg mêle avec virtuosité l’histoire de son héroïne et celle d’une jeune Suédoise prise dans la tourmente de la deuxième guerre mondiale – la propre mère d’Erica. Tandis qu’Erica fouille fiévreusement le passé de sa famille, le lecteur plonge avec délice dans un nouveau bain de noirceur nordique. Cette fois, l’auteur puise dans l’Histoire, avec un grand H, pour constituer ce qui est bien davantage que le simple cadre d’une intrigue tragique, qui tient aux tripes comme jamais dans aucune des autres enquêtes d’Erica.
Ce n’est pas un vulgaire polar… C’est bien plus que ça ! L’intrigue est cousue au petit point, avec une attention particulière : j’avoue avoir beaucoup apprécié l’effet papillon… Une croix de fer… Un objet qui permet de tirer le fil d’une histoire brisée et d’en réparer les liens qu’on aurait pu croire à jamais distendus. Il y a aussi toute la délicatesse dans le traitement du sujet et de l’époque : la question du nazisme est de celles que l’on doit aborder avec la plus grande circonspection. Un défi relevé avec brio par Camilla Läckberg.
Comme d’habitude – mais c’est maîtrisé – c’est un gros volume de pages – qu’on dévore sans s’en rendre compte – et il y a beaucoup de personnages dans cette histoire… Tous, avec des noms suédois, évidemment ! Et comme d’habitude, on voyage d’une époque à l’autre et il faut se montrer attentif pour ne perdre le fil de l’histoire. Mais pour une fois, notre belle Suédoise innove en nous offrant un happy end à la limite de l’enchantement, un dénouement que j’espérais sourdement sans oser me l’avouer, peut-être dans un roman suivant… Je suis comblée de le voir arriver si vite ! Il fallait bien ça pour adoucir un peu la description de l’horrible séparation d’une jeune maman et de son bébé, dans un autre temps, et aussi l’isolement affectif volontaire de cette même femme, si touchante dans sa crainte de souffrir encore. Je ne crois pas dévoiler abusivement le propos de ce roman, ni l’aboutissement d’une idylle qui naît sous les yeux des lecteurs : l’auteur s’est elle-même chargée de donner le ton en choisissant un titre aussi explicite.
Et pour tenir sur la longueur de ce drame intime que l’on sent approcher inexorablement de chapitre en chapitre, heureusement qu’il y a les histoires de couples, les enfants, les intéressantes théories sur le partage des tâches domestiques et le concept de charge mentale, le café, les petits pains à la cannelle ! Comment font-elles, ces femmes suédoises, pour avoir toujours à portée de la main quelques-unes de leurs pâtisseries maison ? Quand je me mets au fourneau, j’ai à peine le temps de profiter du résultat de mes efforts !
Votre commentaire