La porte de la chambre fermée à clef de l’intérieur… Les volets de l’unique fenêtre fermés eux aussi de l’intérieur… Pas de cheminée… Une seule porte, devant laquelle s’est constamment tenu le père de la victime, alerté par les cris et qui tentait par tous les moyens de défoncer le battant… Qui a tenté de tuer Mademoiselle Stangerson et surtout par où l’assassin a-t-il pu fuir de la chambre jaune, cette chambre aménagée dans ce pavillon au bout du parc du château du Glandier ? C’est là que le professeur Stangerson et sa fille Mathilde vivent depuis leur retour des Etats-Unis, c’est là qu’ils poursuivent leurs recherches scientifiques, à l’écart du monde, en toute quiétude… Du moins, c’est ce qu’ils croyaient ! Qu’en pense Robert Darzac, le fiancé de Mathilde, dont la conduite équivoque pose question ? Et le juge d’instruction, Monsieur de Marquet ? Et qu’en est-il du super flic, le grand Frédéric Larsan, dépêché depuis Paris ? C’est en réalité le jeune Joseph Rouletabille, reporter à L’Epoque et limier surdoué raisonnant par le bon bout de sa raison, « ce bon bout que l’on reconnaît à ce que rien ne peut le faire craquer », qui va, avec l’aide de son ami l’avocat Sainclair, trouver la solution de cet affolant problème au terme d’une enquête riche en aventures et en rebondissements.
Rouletabille… L’alter ego de Gaston Leroux ? Oui, dans une certaine mesure. Héritier d’une fortune qu’il dilapida en quelques années, Gaston Leroux devint grand reporter au Matin. Momentanément brouillé avec le directeur du journal, il écrivit en 1907 Le mystère de la chambre jaune, premier épisode des Aventures extraordinaires du reporter Joseph Joséphin, dit Boitabille. Mais un homonyme contraignit l’auteur à rebaptiser son héros Rouletabille. Voilà pour la genèse… Mais la méthode mérite aussi le détour : pour l’élaboration de ses Rouletabille, Leroux s’enfermait dans son cabinet de travail et il obligeait sa maisonnée au silence. Le roman achevé, il tirait au revolver par la fenêtre, ce qui annonçait le retour de l’écrivain à la vie familiale et publique… Gaston Leroux, c’était aussi un précurseur pour la promotion de ses livres. Rien n’était trop beau ou trop compliqué : il faisait tirer des affiches murales dont certaines dépassaient trois mètres de hauteur… Il organisait des concours où il fallait trouver les mots manquants d’un roman ou deviner la fin du feuilleton… Des hommes-sandwichs sillonnaient les villes pour annoncer les rebondissements de l’histoire en cours… Dans Le chercheur de trésors, publié en 1904 sous le titre La double vie de Théophraste Longuet, il y avait des indications pour trouver un trésor caché dans Paris ! Des méthodes qui font rêver…
Le mystère de la chambre jaune, c’est avant tout un grand classique du roman à énigme, ce genre de classique qu’on a tous eu en main à l’école en soufflant de découragement devant le nombre de pages… Et pourtant, la plupart de ceux qui, à l’âge adulte, ont osé réitérer l’expérience s’en disent ravis : une écriture moderne, avec des passages parfois un peu longs, mais sans excès ; des personnages nombreux mais typés, si bien qu’on s’y retrouve sans souci ; un narrateur clairement identifié ; une intrigue ficelée avec brio ; un mystère à résoudre, à la recherche d’un criminel insoupçonnable et insoupçonné, et au final, un récit original et étonnant auquel on est heureux d’avoir donné une seconde chance. En fait, Le mystère de la chambre jaune est comparable à un grand cru qui vieillit bien… Même l’ambiance surannée n’arrive pas à déconcerter : c’est presque une chance de lire ce roman plus d’un siècle après sa sortie, parce que l’écart historique ajoute encore à l’impression de quitter le réel pour aller vers le surnaturel !
C’est bien là, le nœud de l’affaire : enquêter sur un crime commis dans une chambre fermée de l’intérieur revient en somme à devoir expliquer l’inexplicable… Et pourtant, c’est un roman où l’on ne voit que ce que tout le monde voit. Le lecteur est à égalité avec l’enquêteur et la logique seule est en action. Oui, mais le mystère s’épaissit au fil des pages et un plan de ce fichu château, où il n’était pas censé se passer quoi que ce soit d’extraordinaire, est vraiment le bienvenu pour s’y retrouver un peu !
Un classique à lire et à relire, une adaptation grandiose au cinéma, une version numérique gratuite (domaine public oblige) et une édition Folio Junior pour faciliter un peu la vie des jeunes lecteurs…
Décidément, « le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat ».
Je ne l’ai pas encore lu mais il me semble que ce soit un incontournable de la culture policiere classique
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