Hum… Voilà qui sent encore le retour de Versailles ! Désolée si je suis un peu « en boucle », mais certains sujets sont inépuisables, surtout quand on a encore des étoiles plein les yeux…
Prolongement de la passionnante fresque des Reines de France, commencée sous les Valois, ce volume – Les reines de France au temps des Bourbons/2 – qui peut être lu de manière autonome, fait revivre le plus long règne de l’Histoire de France. Des deux femmes de Louis XIV, l’une, l’insignifiante Marie-Thérèse d’Autriche, a le titre de reine, mais pas la stature pour habiter le rôle qui lui est dévolu, au grand regret de son royal époux : il n’y a qu’à aller au château de Versailles pour constater que son portrait, placé au-dessus d’une porte du Salon de l’Œil-de-Bœuf, tourne le dos au sens de la visite… Seuls les touristes adeptes de la contorsion ont une chance de l’apercevoir. La seconde femme, Françoise d’Aubigné, son épouse secrète que le roi fera marquise de Maintenon, a les capacités qui font si cruellement défaut à la reine Marie-Thérèse, mais sa naissance lui interdit de prétendre au titre. Entre elles, la galerie des maîtresses, tour à tour comblées de faveurs puis sacrifiées, illuminées et consumées par la personnalité écrasante du Roi-Soleil : Marie Mancini, l’amour perdu des vingt ans de Louis XIV ; Louise de la Vallière, tendre et sincère, broyée par la Cour ; l’éclatante marquise de Montespan, la Sultane Reine, ambitieuse mais dont la déchéance est marquée par la sinistre affaire des Poisons. Il y a aussi le ballet des princesses, Mademoiselle de Montpensier, la fière cousine ; la fragile Henriette d’Angleterre, qui semble n’être venue en France que pour brûler sa vie par les deux bouts ; Elisabeth Charlotte, princesse Palatine, la truculente seconde épouse de Monsieur ; Marie Anne Victoire de Bavière, le « laideron » royal qui donne trois fils à son époux, le Grand Dauphin, et à la dynastie, avant de sombrer dans l’oubli ; l’escouade des filles adultérines de Louis XIV, sortes de princesses de la main gauche que le roi impose comme épouses aux princes du sang ; et enfin l’impétueuse Marie Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne par son mariage avec le petit-fils du Roi et mère de Louis XV, celle qui aura le mieux résumé la vie à Versailles : « Princesse aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée ».
Que reste-t-il de ces femmes qui ont fait la France ? Parce qu’en face des trop célèbres portraits et hauts faits masculins, se dessine une nébuleuse féminine aux pouvoirs fluctuants, mais incontestables. Louis XIV lui-même n’a-t-il pas été fait par une femme, sa mère Anne d’Autriche qui pendant toute sa vie d’épouse ne passa jamais aux yeux de l’opinion publique que pour une intrigante sans scrupule, mais qui se révéla enfin dans le rôle de Régente ? Celle que la postérité a retenue comme l’écervelée qui confie bêtement ses ferrets de diamant au duc de Buckingham n’a pourtant pas pu protéger son fils aîné du traumatisme de la Fronde et du désir, bientôt dévorant, de tout contrôler autour de lui. Ainsi est née la fantastique machinerie versaillaise, somptueuse pour les visiteurs et inhumaine pour ceux qui y ont vécu. « Nous ne sommes pas comme les particuliers ; nous nous devons tout entiers au public »… Superbe mot de Louis XIV, mais redoutable leçon pour tous qui ont gravité autour de lui.
Mention spéciale à l’auteur, Simone Bertière, la magnifique… Universitaire et surtout conteuse-née ! Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, elle conserve à 92 ans la flamme vive et l’esprit délié qui font d’elle l’une des chouchoutes des émissions télévisées consacrées à l’Histoire. A l’écouter évoquer tant de sujets passionnants, à l’oral ou à l’écrit, on a l’impression délicieuse de retomber en enfance pour écouter toutes ces merveilleuses histoires.
D’accord, c’est le deuxième volume de la série des reines au temps des Bourbons (le premier étant consacré à Marie de Médicis et à Anne d’Autriche), mais c’est si bien et si habilement présenté qu’on ne se sent pas du tout obligé de suivre l’ordre : on peut même papillonner d’un livre à l’autre sans perdre le fil, ce qui est une rareté assez remarquable. Que dire d’autre ? Les femmes du Roi-Soleil, c’est une monographie historique, exacte et rigoureuse, mais qui se lit aussi facilement qu’un roman grâce à une plume vive, efficace et à un style visuel qui donne véritablement à voir au lieu de simplement décrire. Un pur régal !
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