Polar ésotérique – Le tableau de Pilate, de Craig Smith

Kate Kenyon, riche et jeune veuve d’un aristocrate anglais, ne vit que pour l’amour du risque. Avec l’aide de son complice et amant Ethan Brand, elle se consacre au vol d’œuvres d’art inestimables, de préférence chez des particuliers très bien protégés et au moyen de procédés spectaculaires. Les nouvelles ambitions de la belle Lady se portent sur sir Julian Corbeau, un criminel international terré dans son domaine de Suisse pour échapper à une demande d’extradition. Or, ce qu’elle est venue chercher au péril de sa vie dépasse l’entendement : l’œuvre à dérober serait un portrait de Jésus de Nazareth dans ses derniers instants. Commandé par Pilate sur le modèle des portraits mortuaires égyptiens, le tableau serait l’unique représentation du Christ d’après nature et posséderait de mystérieux pouvoirs. Mais au lieu d’y gagner la vie éternelle que convoitent ses commanditaires, Kate pourrait bien avoir signé son propre arrêt de mort. Car alors que d’autres réseaux se lancent à la poursuite du précieux tableau, les cadavres s’accumulent dans le sillage de Kate et d’Ethan, jusqu’à ce que la vengeance de sir Julian Corbeau et le mystère des Templiers les rattrapent… Car, oui : Julian Corbeau, héritier d’une sombre lignée d’ésotéristes passionnés par les forces obscures, serait le nouveau maître d’un ordre moderne des Templiers, avec toute la logistique que cela sous-entend. Après deux mille ans de secrets et de convoitises, l’icône miraculeuse sera-t-elle enfin révélée au monde ?

Un polar qui fait penser au supplice du pal : une histoire qui commence si bien et qui finit si mal… A nouveau, me voici à l’assaut d’un roman au pitch alléchant (n’est-ce pas ?) mais qui ne tient pas ses promesses. Quelle tristesse pour la lectrice passionnée que je suis, tout occupée à me muer en auteur de polar ésotérique, prête à plonger moi aussi dans les Evangiles pour y puiser la substance de mon travail et toujours curieuse de voir comment mes collègues romanciers ont torturé l’histoire – et l’histoire des religions – pour tirer leur épingle du jeu et structurer un secret caché, un mystère insondable susceptible d’ébranler la civilisation occidentale…

Honnêtement, le recours à Pilate est une idée excellentissime. C’est un personnage historique que les Evangiles dépeignent comme un magistrat romain animé du seul désir d’administrer la Judée avec justice et qui cherche même à plusieurs reprises à sauver la vie de Jésus : il y a donc bien matière. Malgré ses nombreux errements, le roman de Craig Smith a le mérite de tracer un portrait fidèle de cet homme, un ambitieux tenté par la violence et habile à jouer en politique. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, je recommande l’ouvrage complet et merveilleusement documenté de Victor Loupan et Alain Noël, Enquête sur la mort de Jésus, qui contient un chapitre entier consacré au procurateur romain. Trait de génie de Craig Smith à propos de Pilate : il en fait l’époux d’une noble Romaine fictive, Claudia Procula, apparentée à la famille impériale et par laquelle Pilate espère accéder aux plus hautes dignités. Très bien, vraiment, comme tous les passages qui font quitter l’époque contemporaine et replonger dans les temps bibliques. Le va-et-vient entre le passé et le présent est d’ailleurs parfaitement maîtrisé. Il y a encore beaucoup d’autres ingrédients de qualité dans ce livre, mais hélas isolés et sous-exploités. De ce roman qui déçoit alors qu’il aurait pu enchanter, il émane une impression de juxtaposition désordonnée qui nuit à la crédibilité de l’ensemble, pratiquement depuis la première page. Une vraie désolation…

Avant d’ouvrir le feu une dernière fois, que peut-on encore ajouter à la courte liste des qualités de ce polar ésotérique ? Ce n’est pourtant pas le premier opus de cet auteur américain résidant à Lucerne en Suisse, docteur en philosophie et qui a exercé dans les milieux universitaires : c’est son quatrième roman et le premier à être traduit en français. Mais en juger par l’unanimité des commentaires négatifs rédigés à son encontre (Amazon, Babelio…), ce sera sans doute le dernier. Pour trouver son plaisir, le lecteur doit être un fanatique inconditionnel des scènes d’action déroulées à tort et à travers, au point d’en donner le tournis. Aucun verbe terne, que du muscle… peu de cervelle ! Dommage…

On a beau écarquiller les yeux, lire et relire certains passages, rien n’y fait… Tous les personnages ont l’air « random », même le duo percutant Kate-Ethan, un couple de monte-en-l’air aux tendances suicidaires et qui agit sans réel mobile. Quant au reste de la galerie, ce n’est qu’un défilé de stéréotypes : le télé-évangilste J.W. Richland, plein aux as qui est prêt à tout pour acquérir le tableau ; sa jeune et jolie associée, le Docteur Nicole North, brillante mais affublée d’un oncle qui ne voit aucun inconvénient à la laisser froidement tomber lorsque la belle est enlevée par les méchants ; un mystérieux vilain, Julian Corbeau, grand maître d’un nouvel ordre templier et que je me suis efforcée d’imaginer sous les traits de Damian Dark dans Arrow pour résister à la tentation d’abandonner ma lecture ; une mystérieuse comtesse de Médicis qui sait tout sur tout et qui intervient à propos pour sauver les héros d’une mort certaine ; et enfin l’inévitable badass, Thomas Malloy, un ex-agent de la CIA que ses anciens supérieurs gardent sous le coude pour toutes sortes de missions à haut risque.

Et avec ça, une fin qui m’a laissée sur ma faim… (Oh, l’affreux jeu de mots !). Même l’allusion à Simon le Magicien n’a pas réussi à m’enthousiasmer, et pourtant, ça aurait pu être bon. D’accord : pas au point de tout sauver.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :