Ah, enfin un polar ésotérique belgo-belge… Voyons donc ce qu’avait concocté cet illustre compatriote (1936-2016) !
Décembre 2016. Le père Hieronymos, bibliothécaire du monastère Sainte-Catherine – un des plus anciens de la chrétienté (fondé au 3e ou 4e siècle) – dans le Sinaï, découvre par hasard un livre d’une trentaine de pages qu’il n’a jamais vu. De lecture en relecture, il se convainc de son caractère exceptionnel. Comme ni son supérieur, un intégriste tyrannique, ni aucun de ses confrères n’est capable d’en mesurer l’importance, il décide de le soumettre à un saint moine copte du monastère Saint-Antoine, qui est situé de l’autre côté du Golfe de Suez. Un an plus tard, Salvo D’Ambrosi, un chirurgien éminent, est victime d’un accident de voiture : c’est sa fille Flora, 25 ans, journaliste, qui conduisait. La jeune femme est morte sur le coup tandis que son père sombre dans un coma dont il se réveille amnésique. Pendant plusieurs mois, Salvo végète chez sa sœur Rachele à Cefalu en Sicile, jusqu’au jour où un mystérieux message l’amène à remettre en question la thèse de l’accident. Après tout, Flora était une journaliste d’investigations, et du genre consciencieux. Salvo, toujours amnésique, décide de rentrer chez lui à Milan pour reprendre l’enquête sur la mort de sa fille en compagnie d’une amie de cette dernière, Tiziana Narducci, elle aussi journaliste. Tous deux vont se lancer à la recherche de ce livre dont Flora devait parler avec un informateur le lendemain de sa mort. Ce qu’ils ignorent, c’est que d’autres groupes veulent aussi mettre la main sur ce livre mystérieux, écrit à la première personne et qui donne de Dieu une image bienveillante aux antipodes du seigneur vengeur et intraitable, le fond de commerce des extrémistes de tout poil… L’apparition de ce livre inquiète tous ceux qui organisent le réarmement moral du monde et le retour d’un Dieu impitoyable châtiant l’humanité. Du Sinaï à Washington, de Panama à Heidelberg, c’est une course poursuite endiablée et meurtrière qui s’engage, où s’entrechoquent les médias, l’Eglise et la mafia.
Le Vif L’Express a qualifié ce roman de « gourmandise pour l’intelligence et l’esprit ». Mais tous ceux qui croiront n’avoir pris là qu’un polar ésotérique comme les autres se trompent : en réalité, ce livre s’adresse aux lecteurs qui pourront accepter une certaine dose de syncrétisme et de surnaturel, voire de merveilleux. Disons qu’il s’agit plutôt d’un thriller mystique, un genre de quête du Graal, avec des héros à contretemps – un chirurgien amnésique et une journaliste un peu pitbull sur les bords – et des accents philosophiques qui rapprochent clairement ce texte atypique de la grande mouvance des romans initiatiques. Le résultat est un peu bâtard et très déconcertant… L’intrigue est haletante, originale et pleine de rebondissements insolites… L’érudition de l’auteur, qui était professeur au collège jésuite Saint-Michel de Bruxelles, est absolument délectable… L’écriture n’est pas spécialement tonique, mais complètement hypnotique quand on aime. C’est ça : on aime ou on n’aime pas, et on sait très vite à quoi s’en tenir.
Un élément étonnant dans ce roman sorti en 2010, c’est que l’action se déroule de 2016 à 2018… Un peu futuriste, mais pas au point de verser dans la science-fiction. En fait, l’auteur s’est donné le temps de pousser Benoît XVI vers la sortie pour se ménager un pape à la hauteur de sa trame. Une trame qui fait la part belle au surnaturel, sans excès, mais bien assez pour décourager les cartésiens à tout crin.
Que pourrait-on reprocher à cet opus ? Une question difficile quand on a aimé… Peut-être les nombreux déplacements des personnages à travers le monde – des voyages justifiés qui impriment un caractère de roman d’aventures, mais qui donnent quand même un peu le tournis. L’enchaînement des événements est parfois un peu prévisible, mais rien d’insurmontable.
Bref, un texte étonnant qui mérite le coup d’œil.
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