Polar historique – L’affaire des corps sans tête, de Jean-Christophe Portes

Séchez vos larmes, amis des polars historiques qui, depuis le décès de Jean-François Parot, pensiez ne jamais plus ressentir la joie ineffable de serrer entre vos mains un roman digne de ce nom… Voici Jean-Christophe et son univers d’une richesse incroyable, entre réalité et fiction, au cœur de la Révolution française.

Février 1791. La Seine a rendu, près de Paris, des cadavres nus, tête coupée, remontés à la surface après que leur lest ait cédé. Les uns et les autres ont beau lui répéter qu’il ne s’agit là que de violences « ordinaires » en ces temps qui ne le sont guère, le brigadier Picot, un ancien soldat, est bien décidé à mener l’enquête, coûte que coûte, avec la seule aide de son ami le chirurgien-barbier Bouvreuil. Pendant ce temps, au cœur de la capitale, Victor Dauterive, jeune officier de la nouvelle gendarmerie, reçoit de son mentor le marquis de La Fayette une mission des plus délicates : il s’agit ni plus ni moins d’arrêter le dangereux et insaisissable Marat, médecin de son état, publiciste et aussi agitateur populaire qui appelle au meurtre des aristocrates. Mais l’homme est bien protégé par ses partisans et la mission tourne au cauchemar… Dauterive, qui a bien failli y laisser la vie, s’interroge : les vainqueurs de la Bastille sont-ils de vrais patriotes ou des activistes corrompus ? Existe-t-il vraiment un comité secret œuvrant pour le roi ? Si oui, dans quel but ? Depuis plusieurs mois, le bon roi Louis XVI n’a-t-il pas retrouvé la ferveur du peuple depuis qu’il vit à nouveau aux Tuileries et qu’il a accepté la perspective d’une monarchie constitutionnelle… Mais il y a ces corps flottant dans la Seine, et bientôt le meurtre de Picot lui-même… Peu à peu, Victor Dauterive lève le voile sur un effrayant complot, une conspiration qui pourrait bien changer le cours de la Révolution.

Le premier volume de la série intitulée « Les enquêtes de Victor Dauterive » est une véritable bombe ! Le regret le plus fréquemment exprimé par les admirateurs de feu Jean-François Parot est qu’on ne saura jamais ce qui serait advenu de Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil, une fois déchaînée cette Révolution qui a finalement emporté tout un monde… Victor  Brunel de Saulon, chevalier d’Hauteville, dit Dauterive depuis qu’il a fui l’autorité paternelle, n’est certes pas Nicolas Le Floch, mais on retrouve avec ce jeune homme de 19 ans les mêmes contradictions essentielles qui ont fait tout le charme et l’attrait du petit clerc de notaire devenu au fil des ans et des enquêtes l’homme de confiance des Rois de France, chargé par eux des affaires extraordinaires : une origine aristocratique, un parcours personnel difficile, d’indéniables qualités d’homme d’honneur et un attachement à la France du dessous, celle des simples… Chez Victor Dauterive, témoin de son temps, on trouve aussi la conscience de la fin nécessaire d’une époque et l’espérance vive et quasiment viscérale en un avenir meilleur pour la France que l’on rêve parée d’une Constitution stable. A travers les yeux de son héros, patriote pétri des idéaux des Lumières, l’auteur a réussi à retranscrire l’atmosphère de cette époque, à la fois si stimulante et terrifiante, pendant laquelle les Français durent écrire les premiers chapitres d’une nouvelle histoire.

Si Jean-Christophe Portes maîtrise l’art de donner l’Histoire à voir plutôt que de la décrire, il possède aussi le talent rare de construire une intrigue policière complexe et passionnante de bout en bout, sans temps mort et pleine de rebondissements gérés au petit point. Le résultat est si efficace qu’on y sent partout la patte du réalisateur. Le titre est accrocheur, l’écriture est fluide, le style est visuel, les personnages bien typés et attachants, à commencer par le héros et sans oublier la galerie de portraits, tous plus vrais que nature : La Fayette, bien sûr, mais aussi Olympe de Gouges, Robespierre, Danton, sans oublier le couple royal, avec Louis XVI croqué le jour même du plus mauvais choix de sa vie…  On avance petit à petit, on entrevoit la vérité sans la saisir vraiment, on tremble, on s’exclame… Un roman historique ET policier, merveilleusement équilibré, impossible à lâcher avant la dernière page, et tant pis s’il y en a 400 !

Jean-Christophe Portes est également un auteur investi dans la promotion de ses livres, présent sur les réseaux sociaux, très accessible, généreux dans son approche et d’un commerce agréable… Bref, une belle rencontre, pas seulement littéraire.

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