Polar historique – L’affaire de l’homme à l’escarpin, de Jean-Christophe Portes

Paris, été 1791. Un jeune homme est découvert assassiné dans un quartier populaire. Il est nu, à l’exception d’une paire d’escarpins vernis – des chaussures de bal. Cela ressemble à un vol qui a mal tourné. Mais quand le commissaire Piedboeuf, qui est chargé de l’enquête, apprend que la victime fréquentait les milieux homosexuels et travaillait pour un journal politique, l’affaire prend une tout autre tournure. Oeuvrant à nouveau sous les ordres de La Fayette, le gendarme Victor Dauterive découvre que cet assassinat est lié à des intrigues qui touchent le plus haut niveau de l’Etat. En effet, depuis la fuite à Varennes, le roi Louis XVI a été suspendu de ses fonctions et le risque est grand de voir la France sombrer dans l’anarchie… « Tout nous a fait la loi de vous demander, au nom de la France entière, de prendre en considération que le délit de Louis XVI est prouvé, que ce roi a abdiqué ; de recevoir son abdication, et de  convoquer un nouveau corps constituant pour procéder d’une manière vraiment nationale au jugement du coupable et surtout au remplacement et à l’organisation d’un nouveau pouvoir exécutif ». Tels sont les termes de la pétition des sociétés fraternelles après l’arrestation du roi à Varennes et son retour à Paris. La Révolution est-elle sur le point de se terminer ou va-t-elle repartir de plus belle, en reprenant les luttes à l’origine, comme si tous les efforts consentis jusque là n’avaient jamais existé ? C’est la question qu’Antoine Barnave posa à l’Assemblée nationale le 15 juillet 1791, et avec lui, c’est la France entière qui s’interroge sur son sort. Dans l’ombre, le parti du duc d’Orléans, premier prince du sang, fait tout pour s’emparer du pouvoir – le trône dévolu à une branche cadette, sous couvert d’une régence exercée au nom du jeune Louis XVII. Entre aristocrates et révolutionnaires, libéraux et réactionnaires, modérés et activistes, Dauterive ne sait plus à qui faire confiance. La corruption, l’avidité et les trahisons sont monnaie courante et le danger est à chaque coin de rue. Surtout quand on s’approche un peu trop près de la vérité.

Dans ce second volet de ses enquêtes sous la Révolution, on retrouve le jeune lieutenant Victor Dauterive – de son vrai nom Victor Brunel de Saulon, chevalier d’Hauteville – chargé par son mentor le marquis de La Fayette d’une mission délicate : empêcher les ennemis du roi de le destituer de ses prérogatives et forcer la marche vers une monarchie constitutionnelle, selon les termes de la Constitution sur laquelle La Fayette et ses partisans ont planché pendant des mois. Pour le seconder dans cette tâche difficile, Dauterive peut compter sur l’aide d’alliés aussi divers qu’inattendus : le commissaire Piedboeuf, qui enquête sur la mort du jeune Augustin Bouvard et qui persiste, malgré les menaces, dans sa quête de la vérité ; Victor-Joseph Turpin, dit Joseph, un petit mendiant que Dauterive accepte d’employer comme domestique ; Duperrier, le vieux greffier du Châtelet ; et enfin, contre toute attente, le commissaire Charpier, l’ancien adversaire aux desseins toujours aussi insondables.

L’affaire de l’homme à l’escarpin est un roman plus sombre que L’affaire des corps sans tête, mais c’est le même souffle épique qui l’anime, celui de l’Histoire en marche, l’Histoire de France au seuil d’un des changements les plus radicaux qu’elle ait connu, l’Histoire du monde à la charnière de deux époques. Depuis que le roi de France a été rattrapé à Varennes et ramené à Paris sous les cris et les crachats, il semble bien qu’aucun levier ne réponde plus et que la monarchie, discréditée comme jamais dans le cœur des humbles qui continuaient de considérer le roi comme une figure paternelle bienveillante, vive ses dernières heures. Il y a pire : au-delà du débat politique, c’est un véritable bain de sang qui se prépare dans la capitale, une seconde prise de la Bastille, fomentée par ceux qui comptent bien profiter du chaos.

Jean-Christophe Portes laisse à nouveau libre cours à son immense talent d’historien conteur : on ne se lasse pas de son style vivant et visuel, et de son érudition factuelle aux contours si concrets qu’ils en sont presque palpables. Au fil des pages, le sentiment d’assister en personne aux grands événements de l’Histoire grandit encore et encore. Et lorsque la vie quotidienne oblige à s’extraire, à regret, de la lecture de ce polar historique passionnant, il faut un moment – un très long moment  – pour reprendre pied dans la réalité… Tant mieux !

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