Arsène Lupin deviendrait-il imprudent ? C’est bien ce qu’il semble… Lors du cambriolage du château d’Ambrumésy, la propriété du comte de Gesvres en Normandie, il est surpris dans sa fuite par la nièce du comte, Raymonde de Saint-Véran, qui l’abat d’un coup de fusil… Mais au moment où les domestiques se précipitent dans le parc pour mettre la main sur le voleur, l’homme a disparu, sans qu’on s’explique ce qui a pu advenir de lui. Quelques jours plus tard, la police découvre enfin le cadavre, mais Isidore Beautrelet, jeune lycéen surdoué et détective amateur, refuse pourtant de croire à l’évidence. Il décide de traquer Lupin et ses secrets. Mais peut-on vraiment lutter contre Arsène Lupin ?
Quel plaisir de se replonger dans ce petit bijou parmi les classiques, qui reprend à la lettre l’orthodoxie en matière d’enquête policière telle qu’on la concevait au début du 20e siècle : étude des faits, recherche d’indices, établissement de points de repère, reconstitution logique du crime, et enfin découverte de la vérité, comme une certitude scientifique qui s’imposerait d’elle-même… Ajoutez-y un jeune prodige à la manière de Joseph Rouletabille (Le mystère de la Chambre jaune est paru deux ans auparavant, en 1907), un cryptogramme indéchiffrable, quelques jeux de mots et tours de passe-passe, et vous obtiendrez le secret de l’Aiguille, qui passionne les lecteurs depuis 110 ans. Et il y a de quoi…
« Le 17 mars 1679 (…) un tout petit livre fut publié à Paris avec ce titre : « Le mystère de l’aiguille creuse – Toute la vérité dénoncée pour la première fois. Cent exemplaires imprimés par moi-même et pour l’instruction de la Cour ». A neuf heures du matin, ce jour du 17 mars, l’auteur, un très jeune homme, bien vêtu, dont on ignore le nom, se mit à déposer ce livre chez les principaux personnages de la Cour. A dix heures, alors qu’il avait accompli quatre de ces démarches, il était arrêté par un capitaine des gardes, lequel l’amenait dans le cabinet du roi et repartait aussitôt à la recherche des quatre exemplaires distribués. Quand les cent exemplaires furent réunis, comptés, feuilletés avec soin et vérifiés, le roi les jeta lui-même au feu, sauf un qu’il conserva par-devers lui. Puis il chargea le capitaine des gardes de conduire l’auteur du livre à M. de Saint-Mars, lequel Saint-Mars enferma son prisonnier dans la forteresse de l’île Sainte-Marguerite. Cet homme n’était autre que le fameux homme au Masque de fer.
« Jamais la vérité n’eût été connue, ou du moins une partie de la vérité, si le capitaine des gardes qui avait assisté à l’entrevue, profitant d’un moment où le roi s’était détourné, n’avait eu la tentation de retirer de la cheminée, avant que le feu ne l’atteignît, un autre des exemplaires. Six mois après, ce capitaine fut ramassé sur la grand-route de Gaillon à Mantes. Ses assassins l’avaient dépouillé de tous ses vêtements, oubliant dans sa poche droite un bijou que l’on y découvrit par la suite, un diamant de la plus belle eau, d’une valeur considérable.
« Dans ses papiers, on retrouva une note manuscrite. Il n’y parlait point du livre arraché aux flammes, mais il donnait un résumé des premiers chapitres. Il s’agissait d’un secret qui fut connus des rois d’Angleterre, perdu par eux au moment où la couronne du pauvre fou Henri VI passa sur la tête du duc d’York, dévoilé au roi de France Charles VII par Jeanne d’Arc, et qui, devenu secret d’Etat, fut transmis de souverain en souverain par une lettre chaque fois recachetée que l’on trouvait au lit de mort du défunt avec cette mention : « Pour le roy de France ». Ce secret concernait l’existence et déterminait l’emplacement d’un trésor formidable possédé par les rois et qui s’accroissait de siècle en siècle.
(…)
« Au livre III des Commentaires de César sur la guerre des Gaules, il est raconté qu’après la défaite de Viridovix par G. Titulius Sabinus, le chef des Calètes fut mené devant César et que, pour sa rançon, il dévoila le secret de l’Aiguille…
« Le traité de Saint-Clair-sur-Epte, entre Charles le Simple et Roll, chef des Barbares du Nord, fait suivre le nom de Roll de tous ses titres, parmi lesquels nous lisons : maître du secret de l’Aiguille.
« La chronique saxonne (édition de Gibson, page 134), parlant de Guillaume-à-la-grande-vigueur (Guillaume le Conquérant) raconte que la hampe de son étendard se terminait en pointe acérée et percée d’une fente à la façon d’une aiguille…
« Dans une phrase assez ambiguë de son interrogatoire, Jeanne d’Arc avoue qu’elle a encore une chose secrète à dire au roi de France, à quoi ses juges répondent : « Oui, nous savons de quoi il est question, et c’est pourquoi, Jeanne, vous périrez ».
« Par la vertu de l’Aiguille », jure quelquefois le bon roi Henri IV.
« Auparavant, François 1er, haranguant les notables du Havre en 1520, prononça cette phrase que nous transmet le journal d’un bourgeois d’Honfleur : « Les rois de France portent des secrets qui règlent la conduite des choses et le sort des villes ».
Un secret historique à faire baver d’envie tous les auteurs qui s’essaient au même motif !
Saviez-vous qu’en 1975 Boileau-Narcejac a pastiché le thème de L’Aiguille creuse pour lui donner une suite, intitulée Le second visage d’Arsène Lupin ? Voilà une référence qui méritera un petit détour dans peu de temps…
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