Un ressort redoutable et efficace, qui a fait le succès de ce roman de la Reine du Crime paru à la fin des années 30.
« Tant qu’on ne vous soupçonne pas, c’est très facile de tuer. Et, en l’occurrence, la personne en question est bien la dernière que l’on songerait à soupçonner ! »
C’est ainsi que Miss Pinkerton conclut l’exposé quelque peu décousu dont elle venait d’accabler son compagnon de voyage involontaire, le passager qui partageait son compartiment de train, Luke Fitzwilliam, un policier d’âge mûr qui vient de prendre sa retraite après un dernier poste occupé en Extrême-Orient. A Wychwood-under-Asche, un petit village anglais bien tranquille, un meurtrier psychopathe sème des cadavres derrière lui… Personne ne l’a encore percé à jour, sauf Miss Pinkerton qui se rend de ce pas à Scotland Yard. Parvenus à Londres, Fitzwilliam et la vieille demoiselle se séparent, et le jeune retraité oublie un temps ce qu’il a pris pour un délire de vieille bavarde un peu folle, mais il est troublé d’apprendre, par le journal du lendemain, que Miss Pinkerton est morte renversée par une voiture non loin de Scotland Yard. Quelque temps plus tard, Fitzwilliam apprend le décès du docteur Humbleby, de Wychwood-under-Asche – une des personnes pour qui Miss Pinkerton nourrissait les plus grandes craintes pour sa vie. Un tour de passe-passe permet finalement à Fitzwilliam de se rendre dans le petit village, où il fait la connaissance de toute la bonne société locale : Bridget Conway, son « alibi » sur place puisque c’est en se faisant passer pour son cousin que l’ancien policier va mener son enquête ; Lord Gordon Whitfield, entrepreneur de presse un peu parvenu, employeur et fiancé de Bridget ; le docteur Thomas, ancien associé du docteur Humbleby avec qui il s’était fâché depuis que ce dernier lui avait refusé la main de sa fille ; Honoria Waynflete, une vieille demoiselle qui était la grande amie de Lavinia Pinkerton ; l’étrange antiquaire Ellsworthy qui semble s’adonner à des rituels occultes… Tant de gens dont la personnalité comporte une part d’ombre, mais que rien ne paraît désigner davantage l’un que l’autre.
Voilà une intrigue typique, de celles qu’affectionnait Agatha Christie : un petit village anglais bien tranquille et peuplé de gens à l’apparence de la plus grande honorabilité, une enquête initiée à la faveur d’une conversation fortuite dans un train, des rebondissements en pagaille. Pas d’Hercule Poirot, ni de Miss Marple (même si la charmante et perspicace Lavinia Pinkerton l’évoque invinciblement), mais à la place, un policier à la retraite, Luke Fitzwilliam – un homme encore jeune et plein d’imagination. C’est qu’il en faut pour suspendre le cours de sa vie pendant quelques jours pour s’en aller investiguer sur la seule foi d’observations confuses. La couverture de ce pauvre Fitzwilliam est carrément bidon, mais il y a l’intime conviction qui le guide, une conviction contre laquelle ni la logique ni le danger ne peuvent rien.
Les personnages, tous figures de la société anglaise idéale telle que la présente souvent l’auteur, sont certes un peu stéréotypés – peut-on réellement échapper au recours des grands classiques ? – mais le suspense est intact, jusqu’au bout, et bien malin celui ou celle qui peut, en toute bonne foi, affirmer qu’il avait deviné l’identité du coupable. Encore un de ces bouquins qui se lit d’une traite – et tant pis pour ce qu’on laisse de côté !
A nouveau, ce grand classique de la Reine du Crime a connu plusieurs adaptations à l’écran… En 1982, avec Bill Bixby, Lesley-Anne Down, Olivia de Havilland et Jonathan Pryce… Et dernièrement en 2015, dans le cadre de la série Les Petits Meurtres d’Agatha Christie, avec Samuel Labarthe, Blandine Bellavoir et Elodie Frenck.
Alors, à la question : un meurtre est-il facile ? Oui, sans doute… Encore faut-il ne pas se faire prendre !
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