Affolé de jalousie rétrospective, Roland Dunoyau veut savoir qui son épouse Clémentine aimait au point de s’enfermer dans l’alternative amour-ou-poison et d’avaler ce dernier. Cela le conduit à interroger la jolie défunte par l’intermédiaire d’un guéridon et le truchement d’Odile, pensionnaire du « Grand Treize », une maison close tenue par Madame Adèle au 13 de la rue des Cultes et où les notables de la ville aiment venir s’encanailler. Mais à peine Odile commence-t-elle à épeler la réponse à la question de Dunoyau qu’une énorme armoire l’écrase. Un accident ? Non : un acte délibéré… Qui avait intérêt à ce qu’Odile se taise ? Ou plutôt à ce qu’une morte ne puisse révéler les circonstances de sa propre mort ? L’armoire a été poussée : par qui et pourquoi ? Par l’amant en question, sans aucun doute, qui pour être sûr de ne pas être identifié, a recours à tous les moyens mis à sa disposition. Un amant qui appartient à l’assemblée habituelle du 13 rue des Cultes. Or, Clémentine était aussi légère que belle, et les suspects habitués du Grand Treize sont au moins six : le voiturier M. Ventre, le pharmacien M. Sénéchal, le juge de paix M. Giacobi, M. Bonnet qui dirige les Galeries Parisiennes, le docteur Gabrielle et même Wenceslas Vorobeïtchik. Une deuxième séance de spiritisme se termine de la même façon que la première… A nouveau l’assassin était sur place, parmi les habitués.
Paru en février 1958, La morte survit au 13 met en scène le célèbre héros de Steeman, Wenceslas Vorobeïtchik alias Wens… non pas l’habitué du Grand Treize, mais le fils de ce personnage, encore enfant et constamment rappelé à l’ordre par l’instituteur alors qu’il s’instruit à la lecture des journaux. Un roman suranné, qui fait rêver d’une pièce de théâtre, avec cette ambiance de huis clos qu’affectionnait aussi Agatha Christie, ces tirades vives et cet humour décapant qui passeraient si bien sur les planches. Un petit meurtre entre amis qui se laisse lire avec plaisir avant de s’achever sur un dénouement inattendu et émouvant. Le suspense est bien mené, les personnages bien typés et on se laisse embarquer jusqu’à la dernière page pratiquement sans s’en apercevoir.
Stanislas-André Steeman est né à Liège en Belgique le 23 janvier 1908. Il est doté d’un talent précoce et désire se faire publier. Il a seize ans lorsqu’il envoie des contes au journal parisien Le Sourire qui les publie sans se douter de l’âge de leur auteur. En 1924 et 1926, il fait publier à Paris deux recueils de contes, Ephémères et Histoires belges. C’est à cette époque qu’il entre au journal La Nation belge où il officiera jusqu’en 1933. En 1927, il publie Un roman pour jeunes filles, son premier roman, avant d’aborder le genre policier avec Le mystère du zoo d’Anvers qui est publié dans la collection Le Masque. Il obtient en 1931 le Prix du Roman d’aventures de la collection Le Masque pour Six hommes morts. L’assassin habite au 21, publié en 1939, est l’un de ses romans les plus célèbres, qu’Henri-Georges Clouzot a adapté au cinéma en 1942 et André-Paul Duchâteau (l’un des deux pères de Ric Hochet) en bande dessinée en 1994. La morte survit au 13, dédié à Pierre Fresnay qui a incarné Wens à l’écran, est un roman plus tardif. Stanislas-André Steeman, qui est décédé à Menton en décembre 1970, est sans conteste l’un des écrivains francophones les plus importants, affirmant par son œuvre la spécificité du roman policier non anglo-saxon.
Un petit bijou à découvrir (ou à redécouvrir) de toute urgence…
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