Selon Gabriel Garcia Marquez, tout le monde a trois vies : une vie privée, une vie publique et une vie secrète… C’est cette sentence que ce roman atypique ambitionne d’illustrer, avec plus ou moins de bonheur.
En 1999, après avoir publié trois romans devenus cultes, le célèbre écrivain Nathan Fawles annonce qu’il arrête d’écrire et qu’il se retire à Beaumont, une île sauvage et sublime au large des côtes de la Méditerranée. Presque vingt ans se sont écoulés depuis cette nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe, et force est de constater que Fawles s’est tenu à sa volonté de ne plus paraître, ni en personne ni par ses écrits. C’est durant l’automne 2018 que tout bascule pourtant. Alors que les romans de Fawles continuent de captiver le public, deux nouveaux venus débarquent à Beaumont : le premier est Raphaël Bataille, qui rêve de devenir écrivain et qui, persuadé que l’avis de Fawles pourrait tout changer et lui permettre de percer, décide d’aller assiéger l’homme chez lui ; la seconde est une jeune journaliste suisse, Mathilde Monney, qui paraît nourrir à l’égard de Fawles des projets aussi personnels qu’insaisissables. C’est alors qu’un corps de femme est découvert sur une plage et l’île est bouclée par les autorités. Commence alors entre Mathilde et Nathan un dangereux face-à-face, où se heurtent vérités occultées et mensonges assumés, où se frôlent l’amour et la peur…
Un roman qui va compter ! Pensez donc : c’est mon premier Musso ! Et ce ne sera pas le dernier, même s’il est peu probable que je rejoigne un jour la cohorte des admirateurs inconditionnels de cet écrivain à la mode – l’auteur français le plus lu, traduit dans 40 langues.
J’avoue avoir passé un moment très agréable : un très court moment, d’ailleurs, puisque j’ai dévoré ce livre en un jour. Impossible de le lâcher… mais il faut dire aussi qu’avec ses gros caractères et ses marges aérées, le format s’y prête particulièrement bien.
Autant le dire tout de suite : cette histoire d’appareil photo tombé dans l’océan, miraculeusement retrouvé QUINZE ans plus tard et dont les fichiers sont toujours disponibles, m’a laissée complètement froide… On nage en plein délire ! Il paraît que c’est inspiré d’un fait réel, mais en vérité, le bidule n’avait surnagé que six ans et honnêtement, j’aimerais bien voir la bobine qu’elles avaient, les photos, quand on les a enfin extraites. Je ne marche pas, surtout quand je pense à mon GSM irrécupérable après avoir passé 10 minuscules petites secondes dans l’eau des toilettes (si vous aussi vous avez cette habitude de glisser votre téléphone à l’arrière de votre jeans, écoutez mon conseil : perdez-la !)
Bon, admettons ! Tout cela est très improbable, mais il faut pourtant bien commencer par quelque chose, même si je regrette qu’un auteur aussi talentueux que Musso n’ait pas trouvé une pirouette qui tienne davantage la route. Il fallait que les photos restent cachées pour un temps avant de livrer une vérité qu’on pensait perdue à jamais. J’entends bien, mais pour parvenir à ce résultat, il y avait sans doute d’autres chemins possibles… Pour le reste, puisque j’en suis à égrener les points négatifs ou connotés comme tels, poursuivons… La substitution de cadavre – un truc que j’aime pourtant bien – m’a trop rappelé L’entrepreneur de Norwood, de Conan Doyle, et la manière de se couvrir en bidouillant le dossier dentaire (et aussi les témoins ADN) m’a fait plonger dans Un, deux, trois, d’Agatha Christie, quand les identités de Mrs Chapman et de Mabel Sainsbury Seale sont interverties chez le dentiste assassiné. Je vais me montrer bonne joueuse en reconnaissant que les références sont quand même évoquées avec brio et que c’est gai de constater que les anciens maîtres restent les maîtres. Mais une chose ne passe pas, sans tomber dans le spoil, c’est ce final à la Batman – The Dark Knight rises (2012) : il paraît que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais là, c’est vraiment too much ! Voilà qui est dit…
Rangeons cette humeur de rageuse pour lister toutes les bonnes choses que l’on trouve dans ces 340 pages. Je ne vais pas m’appesantir sur ce que tout le monde sait de Musso : son style sobre, séduisant et direct, merveilleusement servi par un humour décapant (« Vouloir rencontrer un écrivain parce qu’on aime son livre, c’est comme vouloir rencontrer un canard parce qu’on aime le foie gras » – p. 45) ; ses personnages bien typés auxquels on s’attache ; son talent pour nouer des intrigues qui tiennent les lecteurs en haleine ; ses effets très réussis, les rebondissements, les découvertes, les certitudes remises en question, le dénouement final. Que du bon, malgré certains moyens discutables. Il y a aussi les thèmes évoqués, avec beaucoup de talent : les affres du métier d’écrivain (jusqu’où les expériences décrites relèvent-elles de la réalité ?), tout ce qui touche au journalisme et à l’investigation, les détours que la vérité peut prendre avant d’éclater au grand jour. Aussi ce lieu enchanteur, l’île Beaumont, qui mélange Porquerolles, les îles de Lérins et peut-être aussi un petit bout de Corse, et qui donne envie d’y prendre des vacances – dommage qu’elle soit fictive ! Et enfin, chapeau bas pour ce culot incroyable qui consiste à tuer un des principaux protagonistes! Je ne dévoilerai rien qui puisse gâcher le plaisir de celles et ceux qui n’ont pas encore lu La vie secrète des écrivains, mais quelle audace ! J.K. Rowling avait déclaré avoir pleuré toutes les larmes de son corps en tuant Sirius Black à la fin de L’Ordre du Phénix, mais en dépit d’une introduction en grande pompe dans Le Prisonnier d’Azkaban, elle n’avait jamais daigné vraiment hisser ce personnage au rang des incontournables : en le reléguant chez lui comme un malpropre, elle en avait fait une sorte de happy random un peu tristoune… Rien à voir avec ce que Guillaume Musso ose ici, avec un aplomb stupéfiant !
Votre commentaire