1778… A la cour de Versailles, la reine s’ennuie. D’escapades nocturnes en bals costumés, Marie-Antoinette s’étourdit de plaisirs… Mais la fête tourne court lorsqu’un de ses précieux bijoux, volé pendant un Bal de l’Opéra, devient l’enjeu d’une affaire aux multiples ramifications. Alors que la guerre navale se développe contre l’Angleterre, alors aux prises avec les Etats-Unis d’Amérique que soutient la France, Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil et commissaire au Châtelet, familier des arcanes du pouvoir, plonge dans un jeu de dupes au parfum de trahison. Entre les frasques du duc de Chartres, les manigances du comte de Provence, le double jeu de l’inspecteur Renard et de son épouse, et un assassin qui le défie avec orgueil, Nicolas Le Floch n’aura pas la tâche facile. Car à la cour, ce royaume du mystère et de l’indiscrétion, toutes les batailles ne se jouent pas à fleurets mouchetés…
On replonge avec délice dans ce 18e siècle parisien dont Jean-François Parot était spécialiste, et à nouveau on est captivé par cet univers d’ombre et de lumière dans lequel évolue la monarchie des derniers temps, celle qui laisse pressentir les bouleversements à venir dans un contexte où nul, pourtant, n’imagine encore pouvoir se passer de la figure tutélaire du roi, le bon roi Louis, un jeune roi qui prend à cœur les intérêts d’une nouvelle nation au-delà de l’océan, les Etats-Unis d’Amérique, à qui il envoie des moyens et des troupes. Ceux qui accablent le « Roi serrurier », l’homme bedonnant et dépressif à qui les révolutionnaires tranchèrent la tête le 21 janvier 1793, savent-ils que Louis, duc de Berry dans ses jeunes années, rêvait de parcourir le monde, qu’il avait des dispositions pour les mathématiques, la géographie et les sciences ? S’il n’avait pas été prince, il serait peut-être devenu l’un des plus brillants esprits du Siècle des Lumières.
Comme d’habitude, l’enquête est bien ficelée et réellement captivante, les personnages bien typés et – pour ceux qui font partie de l’entourage du Breton à tête dure – toujours aussi attachants, la documentation en béton armé, le langage terriblement raffiné (ne vous aventurez pas à tenter une lecture à voix haute !)… On s’habitue à devoir feuilleter en vitesse jusqu’à la fin du volume, où sont rassemblées les notes – une disposition prise depuis le premier roman et qui n’est vraiment pas pratique… On finit par faire la part du gras de ces recettes anciennes, savoureuses et rustiques, et qui vous font prendre trois kilos rien qu’à les lire… Bref, un Nicolas Le Floch comme on les aime, avec cependant cette petite pointe de regret qui m’assaille toujours, et maintenant encore davantage depuis le décès de l’auteur : le personnage principal n’évolue pas assez ! Qu’attend-il pour l’épouser, sa belle Aimée d’Arranet ? Pourquoi continue-t-il à vivre dans sa chambrette de l’Hôtel de Noblecourt, quand ses revenus l’autorisent à prendre un autre logis ? Il y a là une stabilité qui rassure et qui irrite en même temps, même quand on est fan de cette série policière historique culte. D’après une information non vérifiée, Jean-François Parot prévoyait 24 volumes, jusqu’à l’accession au pouvoir de Napoléon, consul puis empereur… J’aurais aimé voir cela, et je suis certaine que je ne suis pas la seule.
Ce Noyé du Grand Canal donne envie d’aller baguenauder sur les berges de cet immense plan d’eau, prouesse technologique, qui rythme et ordonne la nature aux abords de la demeure des Rois de France… Impossible de ne pas rêver y croiser les ombres du passé, de ne pas songer aux personnages historiques qui allèrent et vinrent dans les allées du parc, sous les frondaisons majestueuses. Un rêve que nous nous sommes offert, ma fille Julie (14 ans) et moi, lors des vacances de Pâques 2019… Une escapade inoubliable que je conseille à tous les passionnés d’Histoire et de beaux lieux.
Chères ombres du passé… Qui dit que je n’en ai pas ramené une, dans ma chambre de l’Hôtel de France, lors de cette nuit où je ne parvins pas à fermer l’œil entre 2 et 4 heures du matin ?
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