L’Insoumise : un titre singulier, qu’appelle une image de Marie-Antoinette largement renouvelée par une relecture critique des sources. Contrairement à une légende tenace, elle n’est ni douce, ni timide. L’acharnement qu’elle déploie pour obtenir ce qu’elle désire n’a d’égal que la résistance qu’elle oppose à ce qui lui déplaît. Face aux servitudes écrasantes qui sont le lot d’une reine de France, elle se rebelle, refuse de se sacrifier à sa fonction, prétend mener une vie indépendante, conforme à ses goûts, sans mesurer qu’elle donne prise à la calomnie et s’aliène l’opinion. Mais son énergie, son intransigeance, longtemps galvaudées pour des objets frivoles, lui vaudront d’atteindre dans l’ultime épreuve à une authentique grandeur. A ses côtés, deux personnages de premier plan, sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse, et son mari. Sur le roi Louis XVI, si maltraité par les biographes de la jeune femme, les documents d’archives apportent des révélations capitales. Toute l’histoire des relations conjugales du couple royal est donc reprise ici à zéro, sur des bases nouvelles. D’autres figures importantes de cette époque tiennent également leur partition dans cette tragédie : Louis XV vieillissant et sa dernière maîtresse la Du Barry, les courtisans au nombre desquels la princesse de Lamballe, la duchesse de Polignac et aussi Axel de Fersen, et enfin quelques-unes des têtes d’affiche de la Révolution, comme Mirabeau et Barnave… Et c’est tout un monde prêt à sombrer dans la tourmente.
Dernier opus de cette série de biographies historiques consacrées aux reines de France (d’abord sous les Valois, puis sous les Bourbons), L’insoumise tient une place à part. D’abord, à cause du sujet, dont on sent qu’il est cher au cœur de l’auteur, Simone Bertière, penchée au chevet de celle qui est sans doute l’une des personnalités historiques préférées des passionnés d’Histoire. Personne ne peut rester indifférent à Marie-Antoinette, de l’adolescente inconsciente arrachée trop tôt au cocon familial à la veuve Capet croquée par David alors qu’on la mène à l’échafaud, en passant par la reine en majesté magnifiée par les merveilleux tableaux d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Ensuite parce que cette biographie, contrairement aux précédents ouvrages de la série, est entièrement consacrée à une seule reine : le résultat est un portrait fouillé, tout en nuances et qui éclaire non seulement tous les personnages qui ont évolué dans le sillage de Marie-Antoinette, mais aussi l’époque – cette époque charnière qui voit monter les périls jusqu’à ce que la tragédie soit consommée.
« C’est à vous, ma sœur, que j’écris pour la dernière fois ; je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l’est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère ; comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien ; j’ai un profond regret d’abandonner mes pauvres enfants ; vous savez que je n’existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse ! »
Les ultimes mots d’une reine, à l’aube de sa mort, le 16 octobre 1793…
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