Polar ésotérique – La musique des ténèbres, d’Eric Bony

Lucien Bonnerive, un scientifique éminent, se jette par la fenêtre de son appartement parisien. Sur son torse, la police découvre des lettres sanglantes gravées à même la peau – semble-t-il par le suicidé lui-même : c’est un message destiné à Thomas Cazan, le journaliste spécialisé dans les affaires étranges. Au même moment, un autre chercheur, Bruno Lecomte, est retrouvé mort devant l’immeuble où habite sa fille Agnès. C’était un vieil excentrique, mis au ban de la communauté scientifique et obsédé par des marottes qui avaient fini par excéder sa fille qui n’avait plus de contact avec lui depuis cinq ans : toute sa vie, l’homme s’était passionné pour une ancienne partition de musique, le chant de la sorcière, venue du fond des âges et qui aurait le pouvoir de tuer. C’est le début d’une aventure étrange et dangereuse pour Thomas et Agnès qui décident de collaborer pour lever le voile sur les circonstances de ces morts tragiques et mystérieuses. Une enquête au cours de laquelle les sociétés secrètes, les multinationales et les scientifiques sans scrupules n’hésiteront pas à faire couler le sang pour s’approprier le secret de la « musique des ténèbres ».

Une intrigue rondement menée, du suspense et de l’action… On ne tombe pas si souvent sur un tel tiercé ! Ajoutez à cela que les personnages sont très bien « castés », crédibles sous les toutes les coutures et exploités par un auteur qui a le sens du rythme et du « coup de théâtre », et vous arrivez à un roman policier ésotérique d’excellente tenue – ce qui n’arrive pas si souvent dans le genre où les lecteurs déconfits sont plutôt habitués au supplice du pal, des histoires qui commencent si bien et qui finissent si mal…

La musique des ténèbres (2016) est le second roman d’Eric Bony, journaliste et enseignant, après Le tombeau du diable, paru en 2015 et dans lequel il introduit son personnage principal. Un troisième roman est paru en 2018 : La voix des morts. Ma PAL s’alourdit, encore et encore !

Pour une fois, on nous épargne le héros façon « badass », tout en muscles et cette rareté serait aussi pourvue d’une cervelle – une exception dans le genre : certains auteurs n’éprouvent aucune gêne à lancer leurs lecteurs sur les traces d’un abruti fini, pourvu qu’il fasse le job ! Ici, nous avons Thomas Cazan, journaliste de l’étrange, volontairement cantonné à un genre qui l’abonnerait plutôt à des feuilles de chou improbables, mais qui parvient à tirer son épingle du jeu grâce à son intelligence et à son honnêteté professionnelle. Attachant, plutôt beau gosse, un peu arrogant… Bref, le genre auquel on s’attache en une petite dizaine de lignes.

Les méchants ? Qu’en dire ? Ils n’ont aucun visage et 10.000 visages à la fois… La construction de l’auteur respecte à nouveau tous les classiques du genre en y ajoutant ce je-ne-sais-quoi qui fait qu’on accroche tout de suite. Un travail au petit point qui réserve bien des surprises aux lecteurs qui imaginent pouvoir se laisser bercer et endormir… Allez, on se réveille ! C’est qu’il y a de quoi faire !

L’idée d’un nœud épouvantable entre tous – une simple musique qui aurait fait mourir le jeune moine qui aurait réussi à la saisir et à la transcrire au 14e siècle – est réellement alléchante. A quoi peut ressembler une musique capable de tuer ? C’est sombre à souhait, pour tous les amateurs d’ésotérisme et aussi de fantastique. Les quelques passages consacrés à ce chant de la sorcière m’ont invinciblement fait penser aux meilleures pages de H.P. Lovecraft… et m’ont donné envie d’allumer le plafonnier de ma chambre et la lumière sur le palier ! On ne m’y reprendra plus à lire un truc pareil, la nuit, à la lueur d’une seule lampe de chevet…

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