Le docteur Laura Pavlov est archéologue médico-légale. Elle dirige des fouilles près de la ville russe d’Iekaterinbourg, là où fut exécutée en 1918 la famille Romanov, le dernier tsar Nicolas II, son épouse Alexandra, leurs cinq enfants et leurs proches. Dans le puits glacé d’une mine, elle découvre un corps parfaitement conservé et des indices incroyables sur la disparition des Romanov, et notamment de leur fille cadette, la grande-duchesse Anastasia, dont la mort a toujours été controversée. Des éléments qui apportent un éclairage nouveau sur l’une des plus grandes énigmes du vingtième siècle. Les recherches de Pavlov la mènent en Irlande, sur les traces du récit soigneusement dissimulé d’une ancienne mission secrète. Mais on ne plonge pas impunément dans le passé, surtout quand celui-ci est fait de trahisons, de tromperies et d’anciens mensonges… Surtout quand exhumer d’anciens secrets pourrait remettre en cause l’histoire officielle telle que nous la connaissons.
D’accord, c’est 600 pages… Mais 600 pages passionnantes valent mieux que 150 qui font bâiller d’ennui ! Un pavé qui se digère tout d’une fois, dans lequel on avance sans s’en apercevoir, tant l’intrigue est haletante et bien portée, à cheval sur le polar historique proprement dit et le roman d’espionnage – car la mission qui doit sauver les Romanov tient de la pure opération d’infiltration. Une infiltration à haut risque, dans un pays ravagé par la guerre et la révolution. Qu’ils tiennent de l’Histoire ou de la fiction (ou d’un plaisant mélange des deux), les lieux et les gens sont typés juste comme il faut, décrits suffisamment en détail pour permettre le déploiement de toute la palette des sentiments humains. Mais jamais rien de trop, tout dans la mesure, tout dans l’efficacité… Un roman remarquable !
Un roman à lire même (et surtout) quand on est comme moi passionné(e) par l’histoire de ces Aigles foudroyés que furent les Romanov. J’avais 20 ans en 1998 quand ont été célébrées les funérailles grandioses (et expiatoires) de Saint-Pétersbourg. A cette époque, on savait déjà qu’Anna Anderson n’était pas la plus jeune des filles du tsar, survivante miraculée d’un horrible massacre. A cette époque, les médias avaient souligné l’absence de deux corps parmi les membres de la famille, ceux d’Anastasia ou Maria et d’Alexis : qu’étaient-ils advenus d’eux ? Si les tests ADN ont dit vrai, les deux derniers enfants ont rejoint leurs parents dans la sépulture impériale, mais comment sont-ils arrivés là ? Cette Opération Romanov réussit l’exploit singulier de rendre compte de presque tout ce qu’on sait avec certitude et de « broder » avec talent sur toutes les zones d’ombre, pour un résultat bluffant… On a presque envie d’y croire, et pour une fois, on ne tombe pas dans ces récits à la larme facile.
Pour conclure, je ne peux que conseiller – encore et encore – la lecture du Dossier Romanov, de Tom Mangold et Anthony Summers. Un Dossier que doit avoir lu Glenn Meade et dont je livre les premiers passages :
« En juillet 1918, alors qu’ils étaient aux mains des communistes, le tsar de Russie Nicolas II, sa femme Alexandra et leurs cinq enfants disparurent et on ne les revit jamais. Officiellement, ils avaient été tués à coups de fusil et de baïonnette dans la maison où ils étaient tenus prisonniers, à Ekaterinbourg. Mais pendant les cinquante-huit années qui suivirent, le mystère et les contradictions de cette affaire n’ont fait que croître, masquant la vérité, créant des légendes, ajoutant à la confusion. Ceux qui se sont intéressés avec le plus de passion et le plus de sérieux au mystère Romanov ont passé des années à étudier le cas de la femme qui affirmait être Anastasia, la plus jeune fille du tsar, la seule à avoir survécu à l’assassinat de sa famille. D’autres ont répandu des histoires fantaisistes sur l’évasion de toute la famille impériale. Malgré cela, la version du massacre dans la cave a été généralement acceptée et non sans raison : après le jour où ils disparurent, aucun des Romanov n’avait été vu vivant par un témoin digne de foi. Aujourd’hui, comme pour les générations précédentes, la fin des Romanov reste un symbole de la révolution sanglante et peut-être le régicide le plus révoltant de l’Histoire.
Mais plus que tout autre assassinat de notre temps, de celui de Sarajevo à celui de Dallas, l’affaire Romanov, fut, dès le début, empreinte de mystère. Les enquêteurs russes blancs arrivés sur les lieux du crime quelques jours après la disparition de la famille et qui y ont travaillé un an n’ont pas découvert un seul cadavre et aucun indice plus probant que quelques traces de balles, quelques taches de sang, et des vêtements qui avaient appartenu à la famille impériale. Les enquêteurs ne produisirent qu’un seul témoin oculaire qui, disait-il, avait vu les cadavres impériaux. En 1971, quand nous avons commencé à travailler sur l’affaire pour un documentaire de la BBC, nous avons essayé d’y appliquer les méthodes d’investigation modernes, bien que nous dussions nous tenir constamment sur la frontière qui sépare l’histoire poussiéreuse du journalisme vivant. Des experts légistes ont examiné les indices matériels disponibles, des spécialistes du chiffre ont examiné les messages codés, et des graphologues de Scotland Yard ont étudié des signatures d’une importance capitale. Peu à peu, d’anciennes pièces à conviction, une fois soumises à une analyse plus rigoureuse, se sont avérées sujettes à caution. Les seuls restes identifiables jamais découverts, ceux d’un petit chien de la famille impériale, semblaient maintenant avoir été déposés sur les lieux après coup. Un télégramme d’une importance vitale avait toutes les apparences d’un faux. Cependant, bien que la version du massacre ait été sérieusement remise en question, nos découvertes ne nous ont guère avancés quant au sort qui fut réellement réservé aux Romanov.
Les moyens mis à notre disposition par la BBC nous ont permis de courir le monde sur les traces des rares survivants encore susceptibles d’expliquer le nombre croissant des contradictions. Nous avons également étudié les témoignages écrits : lettres, rapports, dépositions, mémorandums, tous rédigés, un demi-siècle plus tôt, par des rois et des révolutionnaires, par des Premiers ministres et des paysans. En trois ans, le dossier a grossi (…). Notre instinct (…) nous fit sentir qu’il y avait vraiment là un mystère à résoudre. Mais nous n’en trouvions toujours pas la solution.
Ce n’est que beaucoup plus tard que nous mîmes la main sur un document que nous cherchions depuis le début mais que nous désespérions de jamais trouver : le dossier original des enquêteurs russes blancs, dont les conclusions publiées dans les années 1920 avaient fourni à l’histoire la version du massacre. C’est comme si, en l’an 2000, quelqu’un qui enquêterait sur l’assassinat du président Kennedy, trouvait soudain tous les papiers de la commission Warren d’où elle a tiré son rapport officiel. Ce que nous avons déniché, concernant l’affaire Romanov, c’est sept volumes de témoignages, de rapports de police et de dépositions faites sous serment. Tout cela (en russe) avait, pendant des décennies, été perdu pour les chercheurs. Il nous apparut immédiatement que de grandes quantités d’indices et de preuves avaient été délibérément écartées. Le dossier montrait à l’évidence – et prouvait beaucoup mieux que n’est prouvée la version du massacre officiel – que la plupart des membres de la famille Romanov étaient encore vivants des mois après qu’on les avait dit morts.
Le Dossier Romanov tente de débrouiller l’écheveau d’un mystère unique en son genre et projette un peu de lumière sur ce qui a pu vraiment arriver à Nicolas, à Alexandra et à leurs enfants en ce moment crucial de l’histoire que fut l’été 1918 ».
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