1782.De l’autre côté de l’Atlantique, les Insurgents américains, appuyés par la France, sont en passe de l’emporter sur l’Angleterre. C’est ce moment que choisit le tsarévitch Paul, le fils unique de l’impératrice de Russie Catherine II, pour visiter l’Europe sous le nom de comte du Nord, renouant ainsi avec une tradition inaugurée par son arrière-grand-père Pierre le Grand. Paris constitue naturellement l’une des étapes phares de ce périple incognito, et Versailles entend profiter de cette occasion unique pour se concilier les faveurs de l’héritier du gigantesque empire russe. Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet à la ville et marquis de Ranreuil à la cour, reçoit des ministres Sartine et Vergennes la mission délicate de monter un subterfuge qui lui permettrait de gagner la confiance du prince Paul. Mais le contexte s’assombrit brusquement lorsque le comte de Rovski, ancien favori de la tsarine, exilé à Paris, est assassiné. C’est une enquête difficile qui attend Nicolas, entre les devoirs d’enquête à rendre avec toute la précision nécessaire, et les événements de la visite princière auxquels le marquis de Ranreuil est tenu d’assister. Avec l’aide de son adjoint l’inspecteur Bourdeau, le commissaire aux affaires extraordinaires va avancer pas à pas, de surprise en surprise, dans les milieux parisiens du jeu, de la galanterie, du négoce et de l’espionnage.
A nouveau, c’est un excellent cru que tous les amateurs de polars historiques en (très, très) beaux costumes dans de (très, très) beaux cadres apprécieront à sa juste valeur. En plus de la splendeur de Versailles et de sa cour toujours si brillante alors que l’on sent que les périls montent – pratiquement de page en page, c’est vertigineux ! – Jean-François Parot nous ouvre de nouvelles portes dorées, celles de la Russie impériale au temps de la Grande Catherine. Au terme d’un siècle qui semble n’avoir été qu’exaltation et défi pour la dynastie des Romanov, la visite du futur Paul 1er sonne comme le début d’une nouvelle ère pour l’empire des tsars, désormais appelé à jouer un rôle de tout premier plan sur la scène européenne et à ce titre, ardemment courtisé par toutes les cours royales. On sent déjà la grande puissance russe sur laquelle la Grande Armée de Napoléon se cassera les dents trente ans plus tard – ce qui ajoute encore à l’attrait de l’intrigue policière. La trame générale de la série des enquêtes de Nicolas Le Floch s’en trouve presque renouvelée, revitalisée, comme lorsque Jean-François Parot a introduit, avec l’immense talent qui le caractérisait, tout ce qui touche à la Révolution américaine. Il y a là tout l’art de tirer parti d’une époque riche en changements, germes d’une révolution qui va changer la face du monde, sans verser pour autant dans l’exposé historique fastidieux et rébarbatif : les situations sont exposées par petites touches, avec beaucoup de détails qui prennent sens et donnent à voir.
Les fans de Nicolas Le Floch y trouveront aussi du très bon grain à moudre, avec quelques avancées substantielles dans la conscience de Nicolas, dans tout ce que sa vie privée et personnelle laisse d’espace pour progresser dans la compréhension de sa propre histoire – tous les pans d’une histoire qui lui échappe encore, en dépit de ses efforts. Les lecteurs aussi «carrés» que moi auraient sans doute préféré que tout cela bouge un peu plus fort et un peu plus vite… mais ce n’est déjà pas mal !
Votre commentaire