Albert de Saxe-Cobourg Gotha, prince de Belgique, est né à Bruxelles le 8 avril 1875. Il est le second fils de Philippe, comte de Flandre (lui-même frère cadet du roi des Belges, Léopold II) et de son épouse, la princesse Marie de Hohenzollern-Sigmaringen. C’est un cadet qui n’est pas destiné à régner : malgré le décès prématuré de son cousin Léopold, fils unique du couple royal, Albert a un frère aîné, Baudouin, un jeune homme prometteur qui malheureusement décède à 21 ans, le 23 janvier 1891, ce qui fait d’Albert, après son père, le dernier successible au trône de Belgique.
Très vite, la question de son mariage a été au cœur des attentions de son entourage. Le roi Léopold II refuse néanmoins la première princesse présentée par l’héritier, Isabelle d’Orléans – la fille du comte de Paris et future duchesse de Guise. Peu de temps après, Albert croise, aux funérailles de la duchesse d’Alençon (née Sophie en Bavière – la sœur de Sissi), la nièce de la défunte, la jeune duchesse Elisabeth en Bavière, filleule de l’impératrice d’Autriche. Après quelques mois, Albert, qui est timide, ose finalement se lancer: « Croyez-vous que vous pourriez supporter l’air de Belgique ?» Le couple se marie le 2 octobre 1900 à Munich. Trois enfants naissent de cette union : Léopold (futur Léopold III 1934-1951) en 1901, Charles-Théodore (futur régent 1944-1950) en 1902, et Marie-José (future reine d’Italie 1946) en 1906. Le couple et ses enfants mènent une vie simple et sans apparat, ce qui les rend très populaires. Albert devient roi des Belges sous le nom d’Albert 1er après le décès de son oncle Léopold en décembre 1909.
Les débuts du règne d’Albert 1er sont marqués par les questions sociales et civiques – notamment le débat sur le suffrage universel – ainsi que par l’aggravation des tensions européennes. La Belgique, qui est un Etat neutre, ne peut en effet se prononcer en faveur d’aucune coalition, et sa position en est d’autant plus délicate.
Le 28 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. Conscient du danger, Albert réclame la mobilisation générale de l’armée dès le 31 juillet, et il fait bien : le 2 août, l’Allemagne lance un ultimatum à la Belgique, réclamant le libre passage de ses troupes vers la France, faute de quoi la Belgique sera considérée comme ennemie. Le gouvernement se rallie à l’avis du Roi qui juge l’ultimatum inacceptable : pas question de laisser passer les Allemands ou de protester pour la forme… La Belgique va résister, ainsi que le Roi, ovationné par l’ensemble des députés, le proclame dans son discours au Parlement le 4 août : « Un pays qui se défend s’impose au respect de tous, ce pays ne périt pas. J’ai foi en nos destinées».
Et pourtant, la résistance de la Belgique, et spécialement celle de son roi, surprend une partie de l’Europe, notamment parce que la famille royale belge est d’origine allemande, issue de la Maison de Saxe-Cobourg Gotha et alliée aux familles de Habsbourg, de Wittelsbach et de Hohenzollern.
Dès le début du conflit, le Roi rejoint le grand quartier général et prend le commandement effectif de l’armée, ainsi que le stipule la Constitution. Se développe alors une identification entre le peuple belge et son souverain, qui aboutit à une sorte de culte de la personnalité : Albert 1er devient le Roi Chevalier. Pendant quatre ans, son épouse et lui refuseront constamment de suivre le gouvernement réfugié en France, préférant demeurer auprès des soldats belges repliés dans la région de l’Yser, unique « lambeau de patrie » encore libre.
Après la guerre, fort du prestige qu’il a acquis auprès des populations, Albert 1er se consacre à la reconstruction et au redressement économique et social de son pays, ravagé par l’occupant allemand.
Féru d’alpinisme, le Roi, qui avait pourtant à son actif plusieurs ascensions dans les Alpes, notamment dans le massif du Mont-Blanc, meurt à 58 ans, le 17 février 1934, à la suite d’une chute dans les rochers de Marche-les-Dames, dans la vallée de la Meuse, près de Namur – un endroit où il avait l’habitude de s’entraîner. Le 3e roi des Belges est inhumé dans la crypte royale de l’église Notre-Dame de Laeken.
Un tragique accident ? Dès le milieu des années 30, les théories se sont enchaînées afin de répondre à toutes les questions soulevées par ce décès brutal, intervenu sans témoin : pourquoi le corps a-t-il été retrouvé si loin du pied des falaises ? Pourquoi ses lunettes étaient-elles intactes, alors que le crâne était fracassé par la chute ? Pourquoi n’a-t-on pas fait d’autopsie ? Était-ce un suicide ? Ou un meurtre ? Si oui, qui a pu attenter à la vie du Roi et pourquoi ? Un habitant de Marche-les-Dames a déclaré avoir entendu un coup de feu, mais aucune enquête n’a jamais été réalisée en ce sens. La seule certitude que l’on ait, c’est qu’Albert est bien mort d’une chute à Marche-les-Dames, et non pas décédé ailleurs et transporté là au milieu de la nuit, comme certains l’ont soutenu.
Cette année, il y aura 85 ans que le Roi Chevalier est mort… 85 ans que le drapeau belge est en berne devant tous les édifices publics du royaume, chaque 17 février, en souvenir de lui…
Quelques livres pour aller plus loin :
Une source historique, de la main même de l’intéressé : Albert 1er, Carnets et correspondance de guerre 1914-1918 (présentation par Marie-Rose Thielemans – historienne spécialiste du règne d’Albert 1er)
Deux recueils de souvenirs familiaux :
Marie-José de Belgique, Albert et Elisabeth, mes parents – une histoire attachante, un peu romancée, bien mise en forme, avec un ton très moderne, qui retrace de l’intérieur la vie à la cour de Belgique dans la première moitié du 20e siècle
Esméralda de Belgique (fille de Léopold III et de sa seconde épouse Lilian de Réthy) et Christophe Vachaudez, Albert et Elisabeth – la princesse Esméralda suit les traces de son père Léopold III en relatant des extraits de vie familiale
Un livre des années 50 consacré à la passion sportive du roi Albert : René Mallieux, Le roi Albert alpiniste – ancien mais bien fait
Deux monographies bien documentées :
Laurence van Ypersele, Le roi Albert, histoire d’un mythe – qui « démonte » le mythe du Roi Chevalier, encore augmenté par la mort inopinée du Roi quelques années seulement avant le second conflit mondial
Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges – un panorama qui replace Albert 1er parmi les autres souverains belges (à l’exception de Philippe 1er, roi depuis le 21/07/2013)
Enfin, un livre plus polémique : Jacques A.M. Noterman, Le Roi tué. La première enquête approfondie sur la mort d’Albert 1er – bien documenté, avec la volonté d’aller au fond des choses pour faire la part de la vérité et des rumeurs sur la mort du Roi
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