Histoire – La Bastille ou l’enfer des vivants

Véritable lieu commun de l’histoire de France, la Bastille incarne LA prison et les symbolise toutes à la fois. Inscrite dans le vaste ensemble carcéral du grand renfermement théorisé par Michel Foucault, la plus importante des quarante prisons d’Etat de l’Ancien Régime attire et retient en ses rets ceux qui s’écartent de la règle politique, religieuse ou sociale édictée par le roi. Ne serait-ce qu’entre 1661 – début du règne personnel de Louis XIV – et 1789, près de 6000 hommes et femmes y sont enfermés pour quelques jours, quelques semaines, quelques mois ou pour toute la vie.

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Des plus célèbres comme Voltaire, Sade ou Latude, jusqu’au petit peuple maldisant, la Bastille accueille des prisonniers de toute condition et de toute origine : des opposants politiques mis au pas après la Fronde, des représentants de cette classe qui s’enrichit, à laquelle on impute des crimes économiques – à l’instar de Fouquet – et, en cette période où les guerres se succèdent, tout étranger ou espion suspect – « l’homme au masque de fer » en est peut-être un exemple. La révocation de l’édit de Nantes, les querelles jansénistes et les nombreux écarts à la religion établie marquent de grands pics dans les embastillements.

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Enfin, de façon permanente, la défense des bonnes mœurs, dont le roi est garant, fournit son lot d’insoumis, emprisonnés souvent à la demande des familles. Si l’on incarcère facilement un homme accusé de lèse-majesté, on soumet plus difficilement la pensée, et la censure telle qu’elle s’exerce au 18e siècle peine à étouffer l’opinion publique. Reflet de toutes les inégalités de l’Ancien Régime, la «Bastille de droit divin» encourt, depuis les dernières années du Roi-Soleil, les foudres des plus courageux et des plus éclairés, et son nom, progressivement, fait moins frémir qu’il ne fait se rebeller. Les esprits changent, et la Bastille porte en elle sa propre fin. Les archives de la Bastille ont été sauvées dès juillet 1789. De ces liasses parfois encore souillées de la boue des fossés, interrogatoires, correspondances, journaux, revêtus de signatures illustres ou de l’écriture d’humbles prisonniers, émane une émotion réelle.

Un ouvrage d’exception, réalisé sous la direction de deux conservateurs de la bibliothèque de l’Arsenal, où sont conservées aujourd’hui les archives de la Bastille : des historiens tels Arlette Farge, Monique Cottret, Robert Danton, Michel Delon, Jacques Berchtold et Hans-Jürgen Lüsebrinck retracent l’histoire d’un monument mythique, symbole par sa chute de l’abolition de la monarchie et de la fondation de la république, démontrant, s’il en était besoin, l’extraordinaire résistance des esprits face à l’absolutisme et à l’opposition.

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