Aujourd’hui encore, le doute plane sur ce qui reste une mort suspecte… Louis-Henri-Joseph, duc de Bourbon et dernier prince de Condé, s’est-il vraiment suicidé ?
Château de Saint-Leu, le 27 août 1830, à 8h00 du matin. Lecomte, le valet du duc, frappe à la porte de son maître pour le réveiller. N’obtenant pas de réponse, il décide d’actionner le loquet et d’entrer, mais la porte est fermée au verrou de l’intérieur, ce qui est inhabituel. Lecomte prévient la baronne de Feuchères, la maîtresse du duc, qui donne l’ordre d’enfoncer la porte. A l’intérieur, le terrible constat : le dernier prince de Condé, 74 ans, est mort, pendu à l’espagnolette d’une fenêtre au moyen de deux mouchoirs noués l’un à l’autre.
Dans la journée même, le nouveau roi Louis-Philippe (il l’est devenu un mois plus tôt, à la faveur des Journées de Juillet) mandate le baron Pasquier, qui préside la Chambre des Pairs, afin de vérifier que tout est bien conforme à ce qui avait été annoncé. En clair, le roi désire savoir si le défunt a modifié son testament d’août 1829 : le duc d’Enghien, son fils unique, ayant été fusillé sur l’ordre de Napoléon en 1804, le prince de Condé avait décidé de faire de son filleul Henri d’Orléans, duc d’Aumale et cinquième fils de Louis-Philippe, son légataire universel. Mais depuis l’accession de Louis-Philippe au trône, tous craignaient que le prince de Condé, fervent partisan de l’Ancien régime et ami personnel de Charles X, ne révoque ses volontés et n’institue le duc Bordeaux, petit-fils de Charles X, à la place du duc d’Aumale. Or, la fortune en jeu est considérable… Au grand soulagement de Pasquier, il n’y a dans les papiers du prince ni nouveau testament ni codicille d’aucune sorte.
Cependant, même si la maîtresse du défunt affirme que le prince était devenu très mélancolique depuis quelque temps, les circonstances du décès ne laissent pas d’intriguer : le prince est mort par pendaison, mais les témoins qui l’ont trouvé ont déclaré que ses pieds touchaient le sol et que ses genoux étaient fléchis. Il n’y a d’ailleurs aucune lettre d’adieu et, chose troublante, il est tout à fait possible d’actionner le verrou intérieur de la porte depuis l’extérieur de la chambre du prince. S’il ne s’agit pas d’un suicide, mais bien d’un assassinat, il y a fort à parier que les soupçons se porteront immédiatement sur le roi, qui pouvait craindre une révision du testament, et sur la baronne de Feuchères, que Louis-Philippe, alors duc d’Orléans, avait appuyée afin qu’elle puisse paraître à la Cour de Charles X.
L’enquête n’aboutira pourtant qu’à la seule conclusion du suicide. Non seulement l’impossibilité physique n’avait pas pu être prouvée (le prince blessé à deux reprises au bras et à la main n’aurait peut-être pas pu se pendre lui-même), mais il semble aussi que dans l’émotion, on ait omis de vérifier que tous les accès à la chambre du prince étaient bien fermés de l’intérieur. Ajoutons à cela la révélation de pratiques intimes du prince qui recourait à la suffocation pour stimuler ses sens, et l’on comprendra que l’affaire ait été finalement classée, tant par décence que par absence de preuves.
Et ensuite… Des sept enfants nés de l’union du duc d’Aumale avec sa cousine Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, deux seulement ont atteint l’âge adulte mais ils meurent avant leur père, l’un en 1866 et l’autre en 1872. En héritant de son parrain, le duc d’Aumale, mort en 1897, avait-il aussi hérité de la malédiction des Condé – qui condamnait à voir mourir sa descendance ? C’est ce que certains croient encore aujourd’hui.
Quelques livres pour aller plus loin :
Guy Antonetti, Louis-Philippe.
Arnaud Teyssier, Louis Philippe. Le dernier roi des Français
Munro Price, Louis Philippe, le prince et le roi. La France entre deux révolutions
Raymond Cazelles, Le duc d’Aumale, Prince, chef de guerre, mécène
Robert Burnand, Le duc d’Aumale et son temps
Emmanuel Maury, Le dernier des Condé
Et aussi : un épisode de « La Caméra explore le temps »
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