Qu’est devenu l’archiduc Jean Salvator?

Descendant du second fils de l’empereur Léopold II d’Autriche, l’archiduc Jean de Habsbourg Toscane, né le 25 novembre 1852, est au centre d’un triple mystère historique.

Très proche de son cousin l’archiduc héritier Rodolphe, son cadet de six ans, Jean de Habsbourg aurait fomenté avec lui un complot dirigé contre l’empereur François-Joseph : leur plan aurait consisté à provoquer des émeutes en Hongrie pour déstabiliser le pouvoir en place, afin de s’emparer des deux trônes autrichien et magyar. A Rodolphe l’Autriche impériale, à Jean le royaume de Hongrie. Tout était prêt, mais le 30 janvier 1889, Rodolphe est trouvé mort à Mayerling, en compagnie d’une jeune femme dont personne ne sait finalement si elle était sa maîtresse, sa sœur ou sa fille. Pendant de longs mois, l’archiduc Jean va se trouver dans une position particulièrement inconfortable. Il lui faut élucider les circonstances de la mort de son cousin – peut-être son complice – mais en marchant sur des œufs. La conspiration qu’auraient ourdie les deux princes, si elle est réelle et découverte, s’apparente en effet à un crime de haute trahison. Enfin, l’archiduc, craignant peut-être d’endosser une part de responsabilité dans la mort de son cousin, décide de prendre les devants en adressant un courrier à l’empereur pour l’informer de son désir de renoncer désormais à ses titres, à son rang et à tous ses privilèges pour n’être plus qu’un simple citoyen du nom de Jean Orth. Plein d’amertume, François-Joseph accepte ce mauvais compromis et le fait savoir abruptement à l’intéressé lors d’une ultime et orageuse entrevue à la Hofburg. Mais Jean est aussi banni, et avant de partir, il veille à « faire le ménage » : c’est ainsi qu’il récupère auprès de la comtesse von Wallersee-Larisch un coffret confié par Rodolphe juste avant sa mort.

Le parcours de l’archiduc, déjà tout marqué de mystère, s’obscurcit encore. Jean se rend d’abord en Suisse, et ensuite en Grande-Bretagne, à Londres où il se marie avant d’embarquer pour Buenos Aires le 26 mars 1890. C’est la dernière fois qu’on le voit en vie, officiellement : d’après les renseignements dont on dispose, la goélette Santa-Margherita aurait disparu corps et biens au Cap Horn, mais on ne retrouva jamais ni les cadavres de l’équipage, ni aucun débris du bateau.

L’archiduc et les siens furent déclarés disparus, mais la mère de Jean, l’archiduchesse Marie-Antoinette, née princesse de Bourbon-Siciles, qui idolâtrait son fils, ne porta jamais le deuil. Fait troublant : le comte Jean de Liniers qui voyageait en Patagonie y aurait rencontré le prince reconverti en ranchero. Plus troublant encore, qui est cet archiduc qui, selon Gérard de Sède, serait venu à plusieurs reprises rendre visite à Bérenger Saunière à Rennes-le-Château, après 1900, notamment pour lui fournir des fonds ? Les villageois ont décrit un personnage à l’apparence aristocratique et au fort accent, qu’ils avaient surnommé « l’étranger » et qui se faisait appeler Monsieur Guillaume. Certains pensent qu’il pourrait s’agir de Jean, revenu d’Amérique et agissant désormais en sous-main pour le compte de sa famille.

Quelques livres pour aller plus loin :

Alain Decaux, Les grands mystères du passé

A.de Faucigny-Lucinge, L’archiduc Jean-Salvator (Jean Orth) (1911)

Gérard de Sède : L’Or de Rennes ; Les Templiers sont parmi nous ou L’énigme de Gisors ; Rennes-le-Château : Le dossier, les impostures, les phantasmes, les hypothèses

I.Baigent, R. Leigh et H. Lincoln, L’énigme sacrée

Jean-Louis Sarthou, L’archiduc sans frontière