Le mystère entourant l’existence du prisonnier le plus fameux de l’Histoire de France trouve son origine dans la mort d’un détenu, le 19 novembre 1703 à la Bastille, au terme d’une longue captivité : un inconnu, sans nom et dont nul ne connaissait les motifs d’incarcération. Il semble que l’homme ait été inhumé sous un nom d’emprunt dans le cimetière de l’église Saint-Paul, dans le quartier du Marais. Malgré la mise en ligne par les Archives nationales de France de documents que l’on croyait perdus, la légende lancée en 1751 par Voltaire continue de passionner les foules.
On a tout dit à propos de ce mystérieux prisonnier : un anonyme du 18e siècle prétend qu’il s’agissait du comte de Vermandois, fils de Louis XIV et de Louise de la Vallière, incarcéré pour avoir giflé le Dauphin et qu’on aurait fait passer pour mort. D’autres ont vu en lui le duc de Beaufort, un cousin de Louis XIV qui s’était gravement compromis dans plusieurs conspirations fomentées contre Richelieu et Mazarin ; d’Artagnan, après sa blessure à la bataille de Maastricht en 1673 ; ou carrément Molière en personne ! Selon l’une des théories les plus en vogue, il s’agirait plutôt de Nicolas Fouquet, le surintendant des finances tombé en disgrâce pour avoir osé défier le Roi-Soleil. L’hypothèse la plus célèbre – merci Voltaire ! – reste bien sûr celle d’un frère clandestin de Louis XIV. Et évidemment, Alexandre Dumas n’a pas pu s’empêcher d’y mettre son grain de sel…
De la forteresse de Pignerol à la Bastille en passant par l’île Sainte-Marguerite, les passionnés ont reconstitué l’itinéraire du prisonnier masqué – dont tout indique qu’il ne l’était que lors de ses transferts afin d’éviter qu’on puisse le reconnaître.
En 1769, le père Griffet, dans son Traité des différentes sortes de preuves qui servent à l’histoire, évoque les curieuses précautions prises après le décès du prisonnier : « Dès qu’il fut mort, on avait brûlé généralement tout ce qui était à son usage comme linge, habits, matelas, couvertures ; on avait regratté et blanchi les murailles de sa chambre, changé les carreaux et fait disparaître les traces de son séjour, de peur qu’il n’eût caché quelques billets ou quelque marque qui eût fait connaître son nom ».
Qui était-il donc pour que l’on cherchât à effacer son souvenir avec autant d’acharnement ? Le saura-t-on jamais avec certitude ?
Quelques livres pour aller plus loin :
Jean-Christian Petitfils, Le Masque de fer, entre histoire et légendes, 2003
Madeleine Tiollais, Le Masque de fer. Un autre regard sur l’énigme, 2003
Michel Vergé-Franceschi, Le Masque de fer, 2009
Alexandre Dumas, Le Vicomte de Bragelonne, 1848-1850
Marcel Pagnol, Le secret du masque de fer, 1973
Jean d’Aillon, Le dernier secret de Richelieu, 1998
Hubert Monteilhet, Au royaume des ombres, 2003
Jean-Paul Desprat, Le secret des Bourbons, 1991
Paul Doherty, L’Homme masqué, 1991
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