Paris, 1564. Le projet royal d’établir un palais sur le site des Tuileries se heurte au refus farouche d’un boucher surnommé Jean l’écorcheur de se laisser expulser sans une indemnité correcte… C’est donc un certain chevalier de Neuville qui se charge de solutionner le problème – en l’occurrence, d’assassiner le boucher. Or, ce dernier, qui est surpris alors qu’il est désarmé, lutte jusqu’au dernier moment avant de hurler une malédiction à l’encontre du chevalier et de ses maîtres, les rois de France. Il reviendra, rugit-il à l’instant de rendre l’âme… Et c’est ce qu’il fait ! Le chevalier de Neuville qui rentre chez lui après son forfait voit se dresser devant lui l’ombre fantomatique du boucher assassiné, encore tout trempé de son sang. Epouvanté, l’homme se rue au Louvre où il informe aussitôt la reine Catherine de Médicis. Mais la reine ne prend réellement la mesure de ce qu’on lui a rapporté que lorsque son astrologue Cosme Ruggieri lui avoue avoir vu, lui aussi, l’ombre rouge. Une ombre qui prédit la fin de Catherine…
Et l’homme rouge apparaît et réapparaît encore et encore… Le 13 mai 1610, à Saint-Denis, lors du couronnement de Marie de Médicis, la veille de l’assassinat d’Henri IV…. Pendant la Fronde et la veille de la mort du cardinal Mazarin en 1661… A Versailles, le 1er septembre 1715, alors que Louis XIV vient de mourir… Couché dans le lit de Louis XVI au lendemain de la fuite à Varennes… Et enfin au chevet de Marie-Antoinette, à l’aube du 10 août 1792…
L’homme rouge apparaît aussi à Napoléon Bonaparte, mais cette fois pour lui prédire des victoires et lui prodiguer des conseils, jusqu’à ce que Napoléon l’éconduise, au lendemain de son mariage avec Marie-Louise. Dès cet instant, l’ombre rouge lâche son protégé, pour ne plus suivre désormais que les défaites de l’empereur, dont les dernières : Fontainebleau et Waterloo.
Le retour des Bourbons signe aussi celui de l’ombre, menaçante sur les marches de l’Opéra, le 13 février 1820 – le soir de l’assassinat du duc de Berry – et encore le 16 septembre 1824, la veille de la mort de Louis XVIII. L’homme rouge apparaît encore une dernière fois, au milieu des flammes qui ravagent le château des Tuileries en 1871.
Que faut-il croire de cette histoire ? Une superstition, un conte de génie familier comme il en existe partout, une légende de Paris – fondée ou non sur quelques faits historiques ? Une propagande à la vie dure ? Une chose est certaine : il y a encore de quoi alimenter les imaginations pendant quelques siècles encore.
Quelques livres pour aller plus loin :
Marie Anne Lenormand, Le petit homme rouge au château des Tuileries
Pierre Christian, L’homme rouge des Tuileries
Des allusions chez Honoré de Balzac, Le médecin de campagne
Antoine Boulant, Les Tuileries : château des rois, palais des révolutions
Nathalie Tournillon, Légendes et récits de Paris
Guide de Paris mystérieux
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